Regard

J'te quitterai jamais

" - Pose ça. Tout de suite."
Elle sursaute, la lame de rasoir lui échappe des mains, tombe par terre.
" - Lucas? T'étais pas censé rentrer demain matin?
- Changement de programme. Pourquoi t'allais recommencer à te mutiler?"
Son regard dur s'adoucit brusquement lorsqu'elle lui montre, larmes aux yeux, la raison de sa détresse.
" - Ça n'a pas marché, tout ce que j'ai fait pour me sortir de ça, ça a foiré. J'suis de retour à la case départ. Ça a foiré Lucas."
Il est incapable de bouger, il ne peut que la regarder pleurer, effondrée sur le sol.
Impuissant face à une douleur d'une si grande ampleur.
Il quitte la pièce, la laissant seule, prenant soin de récupérer la lame.

Les minutes passent.
Un cri empreint de rage trouble le silence de la nuit.
Il ne bouge pas, la laisse à sa peine.
Il tente de ne pas penser à ce qu'elle pourrait être en train de s'infliger.

Enfin, elle sort de la salle de bain.
Les yeux rougis par les larmes, elle se dirige vers sa chambre sans jeter un regard à Lucas.
La porte claque, la clé tourne dans la serrure, bloquant l'accès au jeune homme.
Alors il prend la parole, priant pour qu'elle l'écoute.

" - Écoute-moi bien. On va trouver une solution, ok? Mais pour ça j'ai besoin que tu te battes, que tu t'accroches. Pense à tes amis, ta famille, ton copain. Il ferait comment, lui, si t'étais pas là? Vous vous tirez vers le haut, vous vous guérissez mutuellement, vous vous reconstruisez à tour de rôle. Votre amour crève les yeux, tu sais.
Je sais ce que tu te dis. Tu vas de nouveau subir réflexions et moqueries, regards dégradants et rires mauvais. Mais on les emmerde, tous ces connards. Si y en a dans ton entourage, qu'ils partent, t'as pas besoin d'eux dans ta vie.
Tu seras pas seule. On sera là, on te tiendra la main, on te portera, on t'écoutera, on sèchera tes larmes. Tu comprends? On sera là, avec toi."
Le silence pour seule réponse, il se laisse glisser sur le mur face à la porte.
La voix enrouée par l'émotion, il reprends son discours.
" - J'ai besoin que tu te battes, j'ai besoin que tu restes avec moi. Cette semaine, j'étais seul, t'étais pas là, c'était horrible.
Ton absence m'est insupportable. Je voulais voir ton sourire, je croyais entendre ton rire â chaque instant, j'aurais aimé ressentir la chaleur de ta main dans la mienne.
Je sais que t'as des ciseaux, un rasoir et un couteau dans ta chambre. J'espère que tu ne t'en sers pas. Si j'te perds, je perds une de mes raisons de vivre.
Ouvre, je t'en prie."

La porte s'ouvre à la volée et elle tombe à genoux devant lui, entourant son cou de ses bras.
" - J'ai besoin de toi aussi, bien plus que tu le crois.
J'te quitterai jamais Lucas. Jamais. "