Regard

les plumes des cumulonimbus

Je ne veux pas en parler.

Taisez-vous.
Je ne veux pas vous entendre me dire d'extérioriser ma douleur.
Me dire d'y croire.
Me dire qu'il ne faut plus rien attendre de sa part.
Me dire que je suis trop gentille avec lui.
Me dire qu'il ne me méritait pas.
Me dire que tout est foutu entre lui et moi.
Me dire que je vais m'en remettre.

Je ne veux pas en parler.
Je n'en suis même pas physiquement capable.
Je m'effondre en larmes à chaque fois que je pense à lui.
Une pause, c'est ce qu'il a dit.
Alors j'attends.

Et je réfléchis.
Plus j'y pense, et plus notre amour me paraît imparfait.
Plus je le vois gangrené par nos non-dits, par quelques mensonges pour ne pas assumer une vérité blessante.
Je ne sais pas si on se remettra de cette pause.

Pourtant, je l'aime.
Je l'aime vraiment.
Un amour puissant.
Un amour qui de surface était entouré de lumière, d'éclats de rire et de tendresse.
Un amour assombri plus profondément par nos doutes et nos blessures mutuelles.

Oui, il les cache bien, ses cicatrices.
Comme moi, j'imagine.
C'est pour ça qu'on s'est si bien trouvés.
Ça nous faisait rire, d'être pareils.
Aujourd'hui, ça me brise.

Ça me brise, ça me dépasse, et je n'y comprends rien.
Il m'a laissée avec des pièces manquantes dans le puzzle.
Et j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas où ça a dérapé.

Son meilleur ami, m'a dit de lui laisser le temps.
De disparaître pour qu'il retrouve la lumière.
Qu'une fille comme moi, ça ne s'oublie pas.
Qu'il ne voulait pas me faire de mal, qu'il a avant tout voulu me protéger.
Que si il a refusé de me voir pour en parler, c'est qu'il savait que ça le ferait changer d'avis, qu'il reviendrait vers moi, alors qu'il a besoin de solitude.
Qu'il m'aime vraiment, que je dois avoir confiance en lui.

J'ai cherché comment dire " je t'aime " dans sa langue natale.
Et je me suis aperçue que ces mots, il me les a dits, alors même qu'on en était aux prémices de notre relation.

J'ai souri, bêtement, à travers mes larmes.