Merci

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L'été passé, j'ai reçu un coup de fil auquel je ne m'attendais pas.
Une amie de mon père avait perdu sa mère, et me demandait de venir veiller sur ses trois enfants.
Je n'en connaissais qu'un sur les trois, et encore, très peu, puisqu'on ne s'appréciait pas.
Elle comptait sur mon expérience pour trouver les mots pour les réconforter.
En arrivant sur le pas de leur porte, je me suis retrouvée nez à nez avec l'aîné, qui n'avait plus rien à faire avec le jeune homme imbuvable que je connaissais.
Il a hésité quelques instants, puis s'est jeté dans mes bras, pleurant à chaudes larmes.
Nous sommes restés ainsi de longues minutes, jusqu'à ce que son frère et sa soeur nous rejoignent.
J'ai passé de longues journées, soirées et nuits avec eux.
La première nuit, ils m'ont tous rejoints dans ma chambre.
Enlacés les uns aux autres, en larmes, on ne devait pas être beaux à voir.
Et puis j'ai pris la parole.
Je sais que ça fait mal. Ça déchire le coeur et les entrailles, on ne peut plus respirer, on est au plus mal. On a l'impression qu'on ne s'en remettra jamais, qu'on ne pourra plus jamais être heureux.
Mais on vit avec. Le premier anniversaire de la mort est extrêmement, douloureux, le second un peu moins, et ainsi de suite.
On oublie pas, on y pense toujours. Au début, on se sent triste, on arrive pas à en parler. Et puis les années passent, et on arrive à parler de ce qu'on a vécu avec la personne disparue, avec le sourire.
Le plus important, c'est que vous fassiez votre deuil. Que vous acceptiez la mort de votre grand mère, que vous la laissiez partir. Vous avez la chance d'avoir une famille soudée, qui ne se déchirera pas autour d'un héritage pendant plus d'une année, vous empêchant de faire votre deuil.
Tous trois me regardaient avec de grands yeux surpris. Je venais de leur livrer une partie de ma propre expérience, sans m'en apercevoir.
J'étais moi-même surprise de la facilité avec laquelle les mots avaient jailli de ma bouche.
Nous avons discuté, longtemps.
On s'est endormis blottis les uns contre les autres.
Le lendemain matin, nous avions tous les yeux bouffis à cause des larmes versées, mais je lisais sur leur visage un certain apaisement.
Lorsque l'aîné me sourit, c'est un vrai sourire qui s'afficha sur son visage, mêlé à de la reconnaissance.
Il s'approcha de moi, m'embrassa sur la joue.
Merci.

RegardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant