huit

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Je l'ai juste suivi des yeux, trop ébahi pour dire quoi que ce soit tandis que ma main tenait encore la poignée de la porte. Il était déjà en train de poser son sac à dos sur la table et de sortir ses affaires; me faisant ensuite signe de le rejoindre.

Je me repris.

Mon arcade me lançait. J'avais l'habitude, maintenant.

-Tu n'avais qu'à pas fouiller aussi... l'accusai-je, marchant inconsciemment vers lui.

Il soupira, ouvrant son manuel de maths à la bonne page.

-Je cherchais une excuse en étant sûr que tu serais pas assez con pour faire ça... Mais tu l'es, visiblement.

Je m'assieds face à lui, sortis également mes cahiers, la tête basse.

On travaillait chacun de notre côté, face à face mais il m'arrivait parfois de jeter un coup d'œil à ses mains blessées, tout comme ses pommettes trop colorées de violence. La culpabilité m'envahissait et je n'arrivais plus à réfléchir; il fallait que je lui dise ce que j'avais à dire, autrement, ça pèserait sur ma conscience à jamais. Ne voulant pas l'interrompre, j'attendis qu'il pose son stylo et qu'il se penche pour aller attraper sa calculatrice dans son sac.

-Désolé... dis-je.

-T'inquiète. répondit-il en se redressant. Tant que tu te tais, ça me dérange pas de travailler avec toi.

Il commença à feuilleter de nouveau dans son manuel pour chercher l'exercice suivant.

-Non, désolé que tu ai eu à te battre à cause de mes conneries...

Il leva le tête, sans sourire et inspecta sérieusement mon visage violacé ainsi que ma plaie peinant à se refermer. Il ignora mes excuses et continua de scruter mon visage amoché dans ses moindre détails, une pointe d'inquiétude et de regret faisant son apparition dans ses iris bleues. Je me sentais bizarre, un peu embarrassé mais pas de façon désagréable, c'était étrange. Comme si je ne savais pas où donner des yeux mais tout ce que je trouvais à faire était d'inspecter également ses traits abîmés, de son front à ses clavicules, passant par son nez, ses lèvres et son menton.

Jamais on ne m'avait regardé aussi longtemps avec cette inquiétude là; et si j'avais su que ça allait arriver, je ne me serais jamais douté que ça viendrait de lui. Cet inconnu qui ne pouvait plus le rester.

-Ça fait encore mal...? demanda-t-il, se concentrant sur son exercice.

Il cachait son inquiétude derrière une indifférence mal jouée, penché au-dessus de son cahier.

-Ça va, mais toi-

-J'aurais dû intervenir plus tôt. me coupa-t-il sans me regarder

J'étais surpris, tellement pris au dépourvu qu'une sensation étrange et détestable s'empara de mes entrailles. Il releva le visage vers moi une fois de plus, avec une colère qui modelait son visage blessé, sombre. C'était effrayant.

-Pourquoi tu m'as défendu d'eux... Regarde ce qu'ils t'ont fait, pourquoi tu m'as pas laissé me faire tabasser!?

Il s'était probablement rendu compte qu'à travers mes paroles résonnait mon inquiétude pour son état à lui, ainsi que mon désir de comprendre, d'explications.

-Jaemin t'es qu'un putain de con...

-Quoi...? murmurais-je, intimidé par sa voix grave, sombre.

-Mais ils le sont beaucoup plus que toi. T'étais sur le point de te faire démolir et ce que tous ces lâches ont fait, c'est sortir leurs putains de caméras et assister au bain de sang que ça allait être sans bouger. Oui, ça m'a enragé, oui, j'avais envie de les cogner alors j'ai pris ta défense parce que sinon personne ne l'aurait fait et je ne regrette absolument pas.

J'étais bouche bée, le souffle coupé. Il jura et se pencha à nouveau sur son cahier qu'il griffonnait avec énervement sous mon regard complètement perdu. Plusieurs dizaines de minutes s'écoulèrent, puis il soupira.

-T'as eu raison de faire ce que t'as fait. Et puis j'ai l'habitude de me battre alors arrête de t'inquiéter pour moi et travaille, qu'on en parle plus.

C'était la première fois que je voyais un semblant d'ébauche de sourire sur lui. Je me raclai la gorge, certain.

-Merci. Jeno.

Last Row || nominOù les histoires vivent. Découvrez maintenant