vingt-six

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Il n'avait pas menti, au final. Après avoir prévenu ma mère de mes nausées précédentes, j'étais rentré chez moi, accompagné. Une fois face à face au moment de se saluer, nous nous étions statufiés un instant, ne sachant pas quoi faire puis avions éclaté de rire sous le ridicule de la situation. Dans mon entrain, j'avais instinctivement tendu mon bras et atteint le sien, l'attirant à moi de toutes mes forces. Sous la surprise, il n'a pas su quoi faire mais lorsque j'enroulai un bras autour de sa nuque, ses mains rejoignirent mes hanches, bien peu assurées, caressant les mailles de mon sweat pourpre. J'étais face à l'allée, apercevant la voiture de ma mère ainsi que la fenêtre de la cuisine, derrière laquelle ma mère était postée, bras croisée.

Je donnai une tape amicale dans son avant bras avant de m'en séparer. Il avait le sourire au visage.

-A demain? commença-t-il, en s'éloignant petit à petit à reculons. Révisions de maths?

Joignant mon pouce et mon index, en signe d'approbation, je le saluai d'un geste bref et fis demi-tour. Nos directions étaient contraires; il n'était pas tard, peut-être dix-huit heures et je serai rentré à peine une vingtaine de minutes plus tard de toute manière.

J'ouvris la porte, pris à peine le  temps d'ouvrir mes lacets que ma mère apparut, l'air dubitatif.

-C'était qui ce jeune homme? demanda-t-elle, mauvaise actrice.

Sans répondre, j'extirpai mes pieds de mes chaussures avant de me relever face à elle, qui avait du mal à cacher son impatience.

-C'est mon binôme pour le lycée. commençai-je sérieusement, professionnellement. On travaille ensemble et comme je me sentais pas bien; il m'a amené à l'infirmerie pour me donner quelque chose et quand ça allait mieux, il m'a raccompagné.

Je quittai le hall d'entrée, contournant ma mère sans prendre la peine de la saluer; pour un tel accueil, il en était hors de question. Je fonçai dans la cuisine me servir un verre se sirop, me laissant éblouir par le soleil de fin d'après-midi s'apprêtant à prendre congé. Je le dégustais, avec toujours cette, plus que désagréable, présence maternelle derrière moi.

-Il est gentil avec toi?

Je plaçai mon verre dans le lave vaisselle après avoir bu les dernières gouttes de ma boisson et refermai ce dernier.

-Très. dis-je, décidé à ne faire planer aucun mystère afin que ma mère ne le considère pas comme "malsain" ou je ne sais quoi. Il était très isolé depuis le début du lycée donc tout le monde le pensait froid et antisocial mais quand j'ai dû m'allier à lui pour le travail, j'ai fait sa connaissance et

-C'est lui qui t'a défendu ce jour-là... suspendit-elle, attendant ma confirmation. Mon cœur... Tu as vu la violence dont ce garçon est capable, tu sais que ça ne me rassure pas de te savoir seul avec lui.

Je m'accoudai au plan de travail de la cuisine, soupirant d'incrédulité, d'exaspération et de tout le mépris que j'étais capable d'éprouver pour la très mauvaise comédie qu'elle me jouait. Alors qu'elle terminait sa phrase, je me retenais de rire pendant qu'elle continuait dans sa lancée alors que j'avais parfaitement compris pourquoi elle mettait tout ça en scène.

Elle ne s'inquiétait pas pour ma sécurité avec Jeno. Elle savait que s'il m'avait défendu, c'était pour me protéger et non pour se mettre à me frapper plus tard.
C'était tout autre chose qui la préoccupait et je n'arrivais pas à y croire.

-C'est pas un monstre. Tu le catégorise comme quelqu'un de violent alors que tu ne le connais pas, ça c'est laid, maman. Tu m'as élevé mieux que ça, c'est décevant...Il m'a défendu pour me protéger. appuyai-je en insistant fort sur le mot, guettant sa réaction qui ne tarda pas.

Elle devint encore plus nerveuse, ce qui me décrocha un sourire en coin. Je sortis de la cuisine, un peu trop coincé par l'aura paniquée que dégageait ma mère, ce qui m'amusait grandement. Cette haine que j'éprouvais pour sa mentalité non assumée m'amusait beaucoup, parce que je pouvais en jouer. Je me dirigeai vers la porte du couloir, suivi.

-Mais tu le sais, n'est-ce pas? Qu'il  ne me fera jamais de mal, et ça t'inquiète encore plus, je me trompe? dis-je en atteignant la poignée. J'ai tout compris, maman. C'est plus la peine de me faire croire que tu t'inquiète pour ma sécurité.

-Jaemin... poursuivit-elle, alors que j'ouvris la porte du couloir, prêt à rejoindre ma chambre. Essaie de comprendre, du jour au lendemain, tu te mets à sécher des cours, à ne plus vouloir m'expliquer les choses, à errer avec lui en ville. Il a une mauvaise influence sur toi.

Je traversai le couloir, toujours suivi de près par ma mère. Mon sac sur mon dos, mon portable dans l'autre pour envoyer un message à Renjun. Mon air était plus qu'exaspéré, c'était autre chose; c'était du dégoût, du mépris. De la fatigue, je voulais juste en finir avec cette conversation sans fin et qu'elle me laisse tranquille.

Elle espérait elle aussi que je me mette à croire à ses mensonges alors qu'elle savait que j'avais vu clair dans son jeu. C'était ma mère, elle ne pouvait rien me cacher. Mark était cent fois meilleur comédien qu'elle et j'étais quand même venu à bout de son raisonnement. C'était perdu d'avance.

-Alors je vais te dire un truc. Tu peux t'inquiéter pour mes résultats scolaires mais je suis majeur maman. Du moment que j'ai de bonnes notes, t'as aucun droit de te mêler de ce que je fais à côté.

J'ouvris la porte de ma chambre décidé d'en finir maintenant, sans attendre, parce que j'avais des choses à dire à Renjun. C'était plus qu'assez, si je voulais me rapprocher de Jeno, je me rapprocherai de Jeno et elle ne pourra rien y faire. J'étais un grand garçon, maintenant, ce n'était plus son rôle d'approuver mes fréquentations.

-Et arrête de t'obstiner à me faire croire que c'est ma sécurité qui t'inquiète. attaquai-je, méprisant jusqu'à la moelle car c'était tout ce qu'elle méritait. C'est le fait que je sois proche de lui qui t'inquiète. Que j'ai été défendu par lui. Que j'ai séché avec lui. Que je sorte seul avec lui. C'est le "lui" qui t'emmerde et je sais que ça, tu l'assume pas.

Elle me regardait avec d'immenses yeux, la bouche ouverte mais incapable d'articuler un mot pour se justifier, me donnant raison. Dans une colère noire, et d'un dégoût ravageur, je manquai de disparaître derrière le cadre de la porte et claquer cette dernière. Mais mon attaque n'était pas terminée, j'avais un coup de grâce à apporter.
Mon téléphone vibra, le message de Renjun s'afficha. Je venais de lui dire de patienter parce que j'avais des choses à régler avec ma mère.

Renjun: Tu me raconteras quand t'auras terminé, bonne chance.

Je rangeai mon portable dans ma poche arrière et redressai la tête vers ma mère encore complètement sonnée, qui reculait petit à petit dans la largeur du couloir, sûrement sous le choc de m'entendre défendre mon point de vue aussi férocement, se faisant à l'idée qu'elle avait perdu son fils docile, obéissant et dépendant. Et je ne comptais plus le redevenir. C'en était fini de lui, et seulement grâce à une seule personne, n'en déplaise à ma mère.

-J'ai séché. J'ai répondu à des profs. Je me suis baladé en ville au lieu de rentrer directement. J'ai menti. J'ai fumé. Mais je sais que si ça avait été avec une "elle", tu n'aurais pas essayé de me faire une scène pareille et c'est vraiment dégueulasse ça, maman. Parce que tu sais quoi? dis-je, presque hilare sous la folie. C'est trop tard pour t'en inquiéter maintenant. Que te le veuille ou non, il n'y aura jamais de "elle" dans ma vie.

Puis la porte claqua, et mes mains n'étaient pas sorties de mes poches. J'étais hilare, mes yeux étaient grands ouverts mais à travers mon rire se mêlaient mes larmes.

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Un peu moins long, youpi!
J'vous aime! ♡

Last Row || nominOù les histoires vivent. Découvrez maintenant