trente-six

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Il faisait encore sombre, et le hall d'entrée ne laissait pas entrevoir le salon grâce à la cloison. Jeno me fixait, attendant que je lui dise ce qu'il allait devoir faire. J'entendis ma mère jurer, peinant à retirer ses chaussures, ce qui me laissait du temps. Sans attendre, je saisis son bras et l'attirai près de moi.

-Deuxième porte, gauche. murmurai-je le plus bas possible, assez pour que le son de la télévision recouvre ma voix. Je te rejoins dans pas longtemps avec de quoi manger. Cours.

De manière immédiate, il se leva et disparut dans le couloir alors que je me réinstallai confortablement, faisant mon possible pour réguler mon rythme cardiaque et à cet instant, le loquet du hall d'entrée s'enclencha.

-Ta journée s'est bien passée? me demanda-t-elle après avoir rallumé les lumières.

Je marmonnai rapidement une réponse positive, avant d'éteindre la télévision. Heureusement pour moi, le reportage touchait à sa fin. Je ne devais pas m'inquiéter, il savait ce qu'il devait faire, et il savait également pourquoi alors il ne devrait pas y avoir de problèmes. Son silence était sa plus grande vertu dans une telle situation.

-Tu as mangé? Tu dois avoir faim pour en prendre autant.

Je venais de prendre les ramen dans le placard et allumai la plaque à induction pour les faire cuire. Évidemment, j'en prenais beaucoup parce que je n'étais pas seul à devoir manger; il valait malgré tout mieux que ce soit ce qu'elle croie. Alors je lui donnai raison en haussant les épaules, sans oublier d'ajouter les condiments nécessaires afin que ce soit un peu plus goûteux. Parfois je me sentais reconnaissant envers ma mère pour m'avoir appris à cuisiner.

Avant qu'elle n'aille dans sa chambre, je me retournai et l'interpellai.

-J'ai du travail à finir, je peux manger ça dans ma chambre?

Elle me donna son accord avant de disparaître derrière sa porte, par chance à l'opposé de la mienne. Une fois prête, je plaçai les ramen dans deux bols distincts que je transportai prudemment jusqu'à ma chambre dont j'ouvris la porte avec le coude.

Il était là, dans le noir, à regarder par la fenêtre dont l'extérieur était encore plus obscur. Si ravissant de jour, et si terrifiant de nuit. Les bols touchèrent la table, une fois porte fermée et lumière allumée je remarquai seulement qu'il tenais un livre ouvert en mains; celui que j'avais retrouvé récemment. Il se retourna vers moi.

-Je pense que tu sais ce qu'il serait arrivé si tu étais resté avec moi au salon. je lui donnai le récipient encore fumant de vapeurs relevées.

Il était assis au bord de mon lit, et je me sentais encore plus étrange, que ce n'était pas quelque chose dont je me serais douté auparavant; ce n'était pas un contexte auquel j'aurais à m'habituer de toute manière, chose fortuite puisque de toute évidence, je ne pensais pas en être capable.
Il décocha un geste du menton, entamant son mince repas ce que j'imitai après m'être assis sur ma chaise roulante.

-Merde, j'aurais dû mettre moins de piment...

Mastiquant ce qu'il avait dans la bouche, je l'entendis rire ce qui me laissa fort penser qu'il se moquait de moi. Silencieusement, et légèrement embarrassé je continuai de manger sans broncher. Si je ne parlais pas moins fort, ma mère risquerait de douter.

-La ferme Jaemin, c'est excellent. il soupira, baissant la tête avant de la relever. Je partirai après les avoir terminées, histoire de ne pas t'avoir fait cuisiner pour rien.

Je ris alors que nous continuions de manger, et je m'en voulais de ne pas en avoir fait plus. J'avais peur que cela ne lui suffise pas. Mais quelque chose me tourmentait plus que ça.

Last Row || nominOù les histoires vivent. Découvrez maintenant