C'était quelques semaines après ma première rentrée au lycée, et il n'avait pas l'air de vouloir qu'on l'approche. Si seulement je savais. Ma façon de penser immature me disait que si ça l'enchantait tant d'envoyer promener la moindre personne osant faire le premier pas vers lui, il n'avait qu'à rester seul.
C'était avant de connaître son histoire, ce qu'il avait vécu et perdu.
Avec le temps, j'avais compris qu'il s'agissait du seul moyen dont il disposait pour être certain que personne ne se rende compte des lourds secrets qu'il gardait.S'il restait dans l'ombre, ce n'était pas par choix. Ça lui aurait plu de se faire des amis mais il se devait de faire figure discrète et puis, il s'y est fait. Il pouvait tout entendre, il pouvait être partout, il était attentif. Il savait tout, tout ce qui se disait sur tous. Et personne ne remarquait jamais rien. Il connaissait la vie futile de chacun et c'était en entendant ces bêtises, immatures et hypocrites qu'il s'était fait à l'idée qu'être seul valait mieux que d'être entouré d'imbéciles.
Il avait commencé à se complaire, à apprécier ce pouvoir qu'il avait sur chacun d'entre nous, dans notre dos.
Il y avait aussi des rumeurs à son sujet, que je n'entendais que d'une oreille de quelques rares bouches parmi celles qui passaient bien peu de temps fermées.
Je n'y ai jamais cru et en réalité, ça m'était égal. Je ne lui avais jamais porté le moindre attention ni le moindre intérêt. Aucun de nous deux n'était avenant, je me montrais simplement plus tolérant.Mais même s'il pensait cela peu nécessaire, il lui manquait quelque chose, quelque chose dont il était persuadé ne pas avoir besoin. Le partage d'une voix, l'échange humain.
Lorsque le bus fit une halte, je repérai derrière la vitre le semblant de ruelle où nous avions allumé notre première et, je l'espérais, dernière cigarette alors je le lui fis remarquer. Il rit en prétendant qu'il ne s'agissait pas de cette rue-là, pourtant j'étais pratiquement certain de mes dires! Je devais m'avouer vaincu; il connaissait la ville par coeur et mon sens de l'orientation était minable. Les ruelles se ressemblent toutes.
-Ma mère rentrera Lundi, mais je suis pas sûr de savoir quoi lui dire... avouai-je tout bas, alors que nous étions de toute manière presque seuls et surtout, au dernier rang.
Il distrayait ses mains avec les cordons de son sweatshirt et ne prêtait pas réellement attention au reste du décor, mais l'intonation de ma voix était sincère et préoccupée alors il se détacha de son œuvre, m'offrant un minuscule demi-sourire.
-Sois juste honnête. Dis lui les choses telles qu'elles sont; par rapport à toi et à moi, d'accord? me rassura-t-il, prenant mon petit doigt entre les siens.
Lentement, je m'échappai moi-même de cette, pourtant, si douce emprise et lui lançai un regard indécis. Préoccupation. Reproche. Peur. Interrogation. Peut-être tout ça à la fois. Il fit évidemment mine de ne pas avoir remarqué et fourra ses deux mains dans ses poches. Le mouvement de sa poitrine avait trahi un soupir et son regard fuyant me le confirmait. Il savait ce qui clochait, nous le savions tous les deux.
-Jaemin, écoute. On reparlera de ça plus tard, pour l'instant on va rendre visite à Mark à l'hôpital, d'accord?
J'avais des milliers de choses, des choses que j'avais à la fois envie et peur qu'il entende, mais nécessaires. Je ne voulais plus marcher dans l'ombre. Mon coeur qui criait un bonheur incomparable chaque fois qu'il me frôlait, était constamment sur le point de faire éclater tout ce qu'il gardait précieusement au fond de lui.
Mais il avait raison; pour l'heure, ce n'était pas le plus important. Alors j'acquiesçai et d'un geste discret, présentai de nouveau ma main ouverte sur sa cuisse, et qu'il ne perdit pas de temps avant de ressaisir, de porter à ses lèvres puis d'y déposer un baiser des plus chastes sans me quitter du regard.
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RandomNoMin L'un a choisi sa place mais la regrette. L'autre ne l'a pas choisie mais s'y complaît. ❛❛La prochaine fois tâche juste de leur filer tes devoirs, Jaemin.❛❛