dix-huit

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Ma mère a pu m'emmener au lycée aujourd'hui, je n'ai pas vraiment cherché à savoir pourquoi elle embauchait plus tard mais j'étais heureux d'apprendre que je pouvais dormir plus longtemps. Ce fut alors de bonne humeur que j'arrivai devant mon casier.

Renjun me rejoignit rapidement avant que je ne referme ce dernier et me salua, avant de me demander s'il y avait des choses à faire en éco. Il n'y avait rien à faire.

-C'était quoi le livre que tu lisais hier quand je suis venu? demanda-t-il en l'accompagnant devant ma salle, dans les escaliers.

Personne ne me bousculait de l'épaule dans l'escalier, mais c'était bondé étant donné que les cours allaient bientôt commencer. Je tournai la tête à droite. Mark regardait le sol, à ma gauche, Renjun attendait toujours sa réponse.

-Pourquoi?

J'étais habitué à ces escaliers à présent, et je n'étais plus essoufflé une fois arrivé en haut. Le couloir était immense, large, noir de monde mais je te voyais, bien qu'assis tout au fond, tu étais le premier que je remarquais.

-Quand t'es parti à la cuisine j'ai regardé un peu et ça à l'air vraiment bien! s'exclama-t-il.

Il voyait juste, cette histoire était une véritable merveille, alors je souris, flatté. J'ai passé la soirée à le lire, un peu plus avalé par chaque page.

-Je pourrai te le passer demain, si tu veux. Je l'ai fini hier.

Il accepta volontiers, secouant énergiquement la tête de haut en bas, et me tapant dans la main au moment où nos chemins se séparèrent. Je rejoignis la porte de ma salle, finalement, après que quelques élèves m'aient passé un bonjour sans âme.
J'étais adossé au mur, un pied appuyé sur ce dernier, portable en main, ne faisant pas attention à la personne assise juste à ma gauche, dont l'épaule frôlait ma jambe. Ses mains étaient bandées, et le sang était visible sous le tissu blanc.

Qu'as-tu fait...

Le professeur arriva, ouvrit la salle et on entra.

J'étais de bonne humeur, alors j'écoutais attentivement et prenais mes notes, comme je l'avais toujours fait. Minutieusement, notant proprement mes abrégées afin d'avoir le temps de tout noter au fil des dires du prof de biologie. Et qu'est-ce qu'il parlait vite, bon sang, peu importe mes efforts, ma page était quand même un torchon. Je recopierai tout au propre cette après-midi pendant l'heure de libre.

Finalement, on eût des exercices à faire et nous allions enfin pouvoir souffler. Ces derniers devaient s'effectuer en duo avec le voisin, or, je n'avais pas de voisin de table ce qui m'arrangeait pour réfléchir plus efficacement. C'est alors serein que je lis les documents mis à disposition dans le manuel.

-Hé, j'en vois qui sont seuls alors que j'ai dit à deux! Monsieur Lee, je te prie de rejoindre ton camarade au premier rang!

Merde, c'est pas vrai.
Dans un soupir que je devinais, j'entendis des pas à traverser la classe tandis que je feignais de réfléchir aux documents même lorsqu'il laissa son corps imposant se poser sur la chaise à ma gauche. Je savais à l'avance, que je ne devais pas le regarder.
C'était la règle.
Au lycée, il ne me connaissait pas, et moi non plus.
Il y avait des chuchotements, les autres s'entraidaient en se partageant leurs idées; mettaient en commun leur raisonnement, faisaient une conclusion commune. Mais à cette table, chacun travaillait de son côté, avait son manuel, ses idées, son raisonnement, sa conclusion. À cette table, c'était silencieux.

Je m'en voulais, mais c'était pleinement involontaire de ma part. Indépendant de mon gré, puisqu'il s'agissait d'une décision du professeur qui nous guettait du coin de l'œil, ne remarquant aucune coopération de notre part et me lançait des regards accusateurs.

Je n'avais pas le choix.

-Jeno? susurrai-je pitoyablement,

-Mmh. répondit-il, sans même lever la tête de son cahier.

J'inspirai profondément, sachant à quel point j'étais misérable pour entamer des conversations. Sauf que le sujet de cette dernière devait être exclusivement tourné vers les exercices alors il n'y avait aucune raison de douter. Quel imbécile je suis.

-T'as mis quoi à la question une? demandai-je, osant à peine me pencher vers sa feuille.

La glace s'est brisée toute seule, et je ne savais pas à quoi c'était dû. Le regard insistant du prof? Sa reconsidération de notre règle? Peu importe, c'était la première fois que l'on s'aidait à l'exécution des exercices en temps réel en dialoguant de façon continue. Je devais avouer que c'était efficace et que l'on résolvait les questions plus rapidement de cette façon; son raisonnement étant différent du mien, il déduisait instinctivement certaines choses que j'aurais mis plus de temps à assimiler et réciproquement.
Nous avions fini légèrement avant la sonnerie, ce qui faisait quelques minutes de libre durant lesquelles j'ai laissé tomber ma tête dans ma main, tourné vers mon voisin qui finissait d'écrire la conclusion de la dernière question.

-J'suis désolé pour Lundi, je savais pas que ça pouvait te poser problème de me montrer ça.

Il rangeait tranquillement ses affaires en secouant lentement la tête pendant que je présentais les excuses pour avoir été indiscret lorsque nous étions sortis du bus.

-Tu pouvais pas savoir, c'est pas grave. J'ai paniqué quand tu m'as touché.

En effet, on écoutait ma musique ensemble et l'ambiance était joyeuse, il appréciait puisqu'il n'avait ni téléphone ni musique à écouter. En sortant du bus climatisé, la chaleur nous avait assailli brutalement au point qu'il avait choisi de retirer son sweatshirt. À quelques pas devant moi, il ôta ce dernier, mais son t-shirt l'avait partiellement suivi dans son ascension, dévoilant une infime partie de son dos. Mais une tâche sombre m'avait intrigué sur ce dernier, et je compris qu'il s'agissait d'un tatouage.
Beaucoup trop curieux et imprudent, je m'étais approché de lui, avais posé ma main délibérément sur le creux de son dos tatoué en lui demandant ce que représentait son tatouage. Et il avait pris peur. Il a envoyé valser ma main en donnant un coup dedans, me grognant que ça ne me regardait pas, puis il partit au loin.

Il avait paniqué à mon toucher et non pas à ma question.

Et puis je regardai de nouveau ses mains. J'aimerais que le simple fait de les observer réponde à mes interrogations, je n'avais pas le droit de lui demander.

Last Row || nominOù les histoires vivent. Découvrez maintenant