vingt-cinq

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Je n'avais plus fait attention à rien après ça. Ni les interrogations du public, ni l'acteur qui me reprochait d'encore penser de telles choses alors que mon vis-à-vis avait soit disant ouvert son cœur en m'avouant ses fautes, ni même le regard de Mark que je ne voulais pas rencontrer, pas le moins du monde. Trop effrayé par ce que je pourrais y trouver, et ne voulant même pas l'imaginer. Je fixais le sol, me levant sous les protestations de l'acteur avant de sauter du piédestal qu'était cette scène et de courir entre les sièges de la salle malgré les rappels à l'ordre des acteurs et du public, attirant tous les regards sur moi lorsque les projecteurs demeurèrent immobiles. Je disparus dans l'obscurité, suivi des yeux par plusieurs centaines de personnes.

J'ouvris la porte et me volatilisai derrière, sans écouter le vacarme qui continuait dans la salle. Je connaissais plus ou moins les lieux, déjà venu pour des sorties pédagogiques, le premier endroit qui me vint à l'esprit fut les toilettes mais pris de panique et de la plus violente nausée de toute ma vie, leur localisation ne me revenait pas.

Je courais toujours, un effroi tel que les larmes glacées comparées à la sueur perlant sur ma peau titillaient le coin de mes yeux. Une remontée gastrique se manifestait de façon imminente Enfin, j'y étais. À l'instant même où je me trouvai face au lavabo, il était trop tard.
Ça brûlait, ma gorge n'était que brûlures, c'était immonde et ça n'arrêtait pas. Je vomissais, toussais, crachais, sang, bile et ...autre. Trop écœuré pour ouvrir les yeux, je n'avais pas senti la main sur ma nuque qui me soutenait pendant mon dur labeur.

Et maintenant, accoudé aux bords du lavabo, la tête se laissant tomber en avant. J'étais essoufflé, je respirais fort, j'étais terrifié, mes yeux étaient fermés de toutes leurs forces et le goût de mon estomac restait là, acide, à l'intérieur de ma bouche.

Cette main massait inlassablement ma nuque avec l'espoir de me calmer. Je suffoquais, les larmes me venaient.

-Calme toi, Jaemin. Assieds toi. me rassurait cette voix grave que je connaissais.

C'était la seule qui avait ce pouvoir sur moi, la seule que j'acceptais d'entendre. Alors qu'il me tirait lentement, loin du lavabo souillé et m'aida à m'asseoir contre la paroi de la minuscule pièce. Il ouvrit le robinet, laissant s'enfuir le contenu de mon estomac avant de se saisir d'un verre d'eau et de le remplir. J'étais incapable de respirer, le rythme de mon cœur était si insoutenable que je me sentais défaillir.

-Respire, lentement, calme toi. Bois un peu d'eau.

Il posa un genou à terre, me tendant le verre que je saisis d'une main tremblante avant d'en boire quelque gorgée. Mon épaule fut saisie fermement, mon regard trouva le sien, il me semble. Ma vue n'était plus du tout fiable à cause du torrent salé s'écoulant d'entre mes paupières.
Je suffoquais encore, sanglotant comme un enfant, avalant cette eau à l'arrière-goût de calcaire. Mais c'était lui, et je pleurais.

-Je suis désolé... Je-Jen... Jeno.

Ses larges mains qui, pour la première fois, me parurent d'une douceur qui n'avait d'égal que sa voix, se posèrent sur mes joues déformées par la panique. Ces mains qui pouvaient si aisément détruire un visage, abîmer des murs; ces mains de marbre, qui ont connu sang, violence, impacts; ces mains blessées, dangereuses, meurtrières, effleuraient mon visage avec tant de délicatesse, séchaient mes larmes d'un geste protecteur.

-Ne t'en fais pas, c'est rien, bois encore.

Déglutir était d'une telle douleur, les parois de ma gorge complètement brûlée enrouait ma voix au point que parler soit une épreuve. J'ingurgitai encore cette eau impure qui soulageait mes maux superficiellement et haletais encore.

Last Row || nominOù les histoires vivent. Découvrez maintenant