Prologue

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Cela fait une semaine que nous nous sommes éloignés des côtes anglaises. Voguant, voiles déployées vers l'horizon et autres destinations, longeant ce vaste Océan Atlantique.

Habituellement, mon père est le commandant d'un navire marchand. Mais pour ces vacances, il a décidé de nous emmener avec lui. Donc ma mère, Caleb, mon petit frère de neuf ans, et moi, faisons partie du voyage, accompagnés de son équipage.

C'est la première fois qu'il nous emmène avec lui lors d'une de ses traversées, et c'est assez pour nous permettre de passer de bons moments en famille. L'océan est à perte de vue, il n'y a que nous qui le chevauchons, cela crée une sensation de vide et d'infini. J'aimerais tant rester en mer, loin du tumulte de la vie londonienne.

Là, dans ma cabine, j'entends les vagues frapper la coque du bateau. Je pourrais écouter ce son indéfiniment tant il est reposant, mais pour je ne sais quelle raison, cela m'empêche de dormir ce soir. Je ne cesse de tourmenter mes draps de coton depuis près d'une heure, alors que tout le monde dort paisiblement dans les cabines d'à côté – notamment mes parents.

En me redressant du lit, mon regard cherche un signe de vie sur le lit de Caleb à ma gauche, mais aucun, il dort à poings fermés recroquevillé sous son drap. Une fois qu'il s'endort, rien ne peut réveiller cet enfant, j'aimerais tant être comme lui parfois.

Je souffle un bon coup avant d'enfiler ma robe de chambre et sortir de la cabine. Il n'y a que cet air marin qui saura m'apaiser et me donner l'envie de retourner me coucher.

Je traverse le corridor plongé dans une parfaite obscurité, muré dans le silence de la nuit. Les seules personnes éveillées à part moi, sont quelques membres de l'équipage qui s'occupent de la navigation nocturne.

En arrivant sur le pont, mon visage est fouetté par l'air humide salin. J'inhale fortement, les yeux fermés, appréciant ce sentiment de liberté soudaine. En ouvrant les yeux je me dirige vers le bord avec pour intention d'admirer les étoiles. J'aime tant voir ces scintillements faisant partie des plus beaux songes, comme s'il ne suffisait que tendre la main pour toucher cet infini et vivre la plus belle des aventures.

Je me plais à contempler ce qui s'invisibilise sous les luminaires citadins, souriant à cette quiétude... que je trouve un peu trop calme. Ce silence environnant me paraît soudainement étrange. D'habitude, Jecko, le second de papa m'aurait déjà dit de ne pas trop m'approcher du bord, et là, seul le silence répond à mes questionnements. Je me retourne pour observer la barre lorsqu'une masse tombe brutalement devant moi, m'arrachant un cri de stupeur.

En observant plus en détail ce corps allongé sur le ventre, nul besoin de le retourner pour comprendre qu'il s'agit de Basher, le guetteur du navire. Mon regard interrogateur se lève vers son poste désormais vide, comment a-t-il fait pour tomber de son nid-de-pie ?

Je l'appelle en le retournant, mais la vision qui se dresse devant moi m'arrache un cri de terreur, me faisant littéralement tomber à la renverse sur le sol de bois.

Il est mort.

Sa gorge a été tranchée, oh mon Dieu ! Je ramène ma main tremblante vers ma bouche, j'ai perdu tout contrôle, mon corps frémit d'horreur, Basher est parsemé de sang, que dois-je faire ?

Je dois prévenir Jecko. Je relève la tête et manque de m'étouffer lorsque je vois le second de mon père gisant sur la barre, plein de sang lui aussi. 

Que se passe-t-il ? Nous sommes attaqués ? Il faut que j'avertisse mes parents en vitesse. Je me redresse, mais avant que je n'aie pu entamer un pas, mes sens s'affolent lorsque j'entends les cris de Caleb. Et c'est là que je le vois, se débattant alors que deux hommes s'en prennent à lui.

Il se fait enlever !

Je hurle le nom de mon petit frère en courant dans sa direction, manquant de trébucher sur le corps de Basher, mais reprends vite en consistance pour le rejoindre avant que ces hommes ne l'emmènent. Qui sont-ils ?

Ils ont amarré nos navires en dressant une planche de bois entre les deux pour en faire une passerelle. Mais leur bateau est plus imposant que le nôtre. Une idée me dit de lever les yeux vers son mât, et au sommet y est accroché le pavillon noir à tête de mort blanche représentant les bateaux pirates. Oh non...

— Keira ! hurle Caleb lorsqu'il me voit à quelques mètres de lui.

— J'arrive !

Il se débat de toutes ses forces et cause du souci à ses deux ravisseurs. Lorsque j'arrive à leur niveau, deux autres pirates m'arrêtent sans problème, retenant chacun mes bras. Je me débats en hurlant ma rage et donnant des coups de pieds dans le vent.

— Lâchez mon frère ! Au secours ! À l'aide !

— Tu vas la fermer, oui ! s'agace l'un d'eux en resserrant son emprise sur mon bras, me faisant grimacer. Je te laisse une chance, alors retourne te coucher si tu ne veux pas finir comme les membres de votre équipage, fillette.

Cette simple phrase me fait frémir rien qu'en pensant à l'équipage nocturne. Ils sont habituellement trois la nuit, et deux d'entre eux sont morts, où est Dwight ? En tournant la tête je le vois gisant lui aussi au sol dans une mare de sang. Non, pourquoi ? Ces hommes étaient des anges, ils ne méritaient pas... Les larmes qui embuaient ma vue dévalent mes joues et ma respiration se saccade.

— Pitié, je vous implore, laissez mon frère tranquille. Libérez-le, ce n'est qu'un enfant, ne lui faites pas de mal, je vous en supplie.

— Désolé ma p'tite, mais ta requête est refusée, me répond jovialement l'homme de droite. Aller, emmenez-le.

— Non ! Non, non ! Caleb !

Je me débats telle une lionne. Mon pied trouvant enfin le genou d'un de mes ravisseurs – le faisant jurer, flancher et me lâcher, me permet de donner un coup de poing au deuxième homme plus robuste. Ce qui a l'air d'être pour lui une simple claque vu son éclat de rire, il ne tarde pas à me soulever comme un sac sur son épaule.

Je ne cesse de gigoter en lui infligeant de nombreux coups dans le dos, tentant même de le mordre, mais rien n'y fait, je suis trop faible face à ce colosse. Alors nous hurlons de toutes nos forces mon frère et moi, espérant alerter nos parents et le reste de l'équipage endormi, mais rapidement nous sommes bâillonnés et emmenés à bord du bateau pirate.

À bord de ce pavillon ennemi, ils nous ont attachés au mât et ont repris leur cap, nous retirant ensuite nos baillons une fois qu'ils étaient sûr qu'on serait assez éloignés de notre navire.

— Tu crois qu'on va mourir ? me demande Caleb, apeuré.

— S'ils avaient voulu nous tuer ils l'auraient déjà fait, si on est encore en vie c'est qu'ils ont besoin de nous.

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas. Mais on va bientôt le découvrir.

— Je ne veux pas mourir Keira, geint-il avant de fondre en larmes.

Je déteste voir mon petit frère dans cet état. Si ces maudites cordes ne nous lacéraient pas la peau je l'aurais déjà réconforté. Mais seul le vocal peut être un réconfort présentement. Mon devoir de grande sœur est de l'encourager, même si nous voguons vers l'inconnu.

— Ne t'inquiète pas, Caleb, jamais je ne laisserai ça arriver. Personne ne te fera du mal, je te le promets.

L'Ombre de Peter (Pause / Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant