Chapitre 42

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Les cannibales postés toujours à l'arrière de leur maîtresse s'avancent dans sa direction, mais uniquement deux d'entre eux – deux hommes, poursuivent le chemin pour s'arrêter de part et d'autre d'elle.

Leurs yeux sont inexpressifs, aussi vides que des trous noirs. Ont-ils seulement une âme ? Derrière, un deuxième groupe d'une vingtaine d'adultes forment un cercle, alors que le troisième composé d'hommes, femmes et d'enfants, restent en retrait pour observer la scène. Que préparent-ils ?

Le temps semble comme arrêté, les jumeaux fixent Inkaha sans sourciller, tendus, comme des chats prêts à l'attaque. Mais avant qu'un mouvement ne se décide entre eux, la sorcière – yeux clos, se met à prononcer une phrase dans une langue inconnue, la réitérant sans prendre à une seule reprise son souffle.

Les secondes défilent à vive allure sous ses incantations maléfiques, libérant une fumée macabre de ses pores. Elle semble en transe, lorsqu'elle ouvre les yeux, ils ont perdue toute vie, ils sont d'un blanc vif, tout comme ses deux subalternes à ses côtés. Les deux hommes sortent à leur tour chacun un poignard pour le porter machinalement à leur jugulaire.

Sentant la tragédie venir, je tourne le visage de Caleb afin de lui éviter cette vision d'horreur. Les deux hommes tombent raide morts aux pieds de leur maîtresse. À mon grand étonnement, une fumée épaisse de couleur rouge s'évapore de leurs corps inertes.

— Inkaha, ça suffit, perd patience Peter.
— Vous avez peut-être retrouvé vos ombres, mais vos âmes aussi noires que les ténèbres, m'appartiennent !

J'en tremble d'effroi, que veut-elle dire par là ? Je tente un regard vers Lily, mais celle-ci a perdue toute couleur, quant aux Garçons Perdus, ils n'osent plus faire un mouvement ; comme si un malheur s'abattrait sur l'île s'ils osaient ne serait-ce que respirer trop fort. Sommes-nous vraiment finis ?

— Il vous faut sans doute un petit coup de pouce pour vous faire réaliser qui est votre reine...

D'un mouvement de mains, elle projette la fumée rougeâtre en direction les deux frères, les emprisonnant de ses ténèbres sanglantes. Je ne peux m'empêcher de crier un puissant « Non » comprenant que cette fumée toxique pourrait faire bouleverser l'ordre des choses. Un seul geste de main vers ce trio me vaut un retrait brutal en arrière, signé Lily. Une violence sans nom alors que je n'allais nullement les rejoindre ; il me reste encore toute ma raison, mais ça, elle n'a pas l'air de le saisir.

— Espèce de folle ! Reste à ta place, t'es suicidaire ou quoi ?
— Je n'allais rien faire, je me défends.

Malheureusement la princesse indienne a parlé fort, assez pour détourner l'attention d'Inkaha vers notre groupe déjà médusé.

— Princesse Lily La Tigresse, depuis quand es-tu devenue aussi prévenante ? Tu as retrouvé ton cœur ?
— De quel droit me parlez-vous, sale sorcière démoniaque !

Bien qu'en crachant son venin virulent à l'encontre de la vieille femme, sa main postée dans mon dos – toujours accrochée au tissu, tremble comme une feuille. Elle veut se montrer forte alors qu'intérieurement elle est terrorisée. Comme si ce simple contact avec ma personne lui offrait la force dont elle avait besoin pour lui tenir tête. Je ne sais pourquoi, mais sur l'instant j'admire beaucoup son courage. Je ne sais si j'aurais eu cette force...

La sorcière s'esclaffe d'un rire roque, aussi gras qu'un habitué des tavernes. Hébétés, nous regardons sa folie hystérique la consumer.

À sa droite, la fumée rougeâtre enveloppant les jumeaux se disperse dans les airs, nous laissant ébahi face à cette nouvelle scène s'offrant à nous. Les frères Pan expriment leur dévotion totale à Inkaha. Un genou à terre, la tête inclinée, les deux en attente d'ordres de leur souveraine.

L'Ombre de Peter (Pause / Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant