Chapitre 30

496 52 27
                                    

À bout de souffle, je jette un coup d'œil par derrière. Ils sont toujours à mes trousses, à la différence qu'à présent ils ne se cachent plus, ils trottinent et tentent de me rejoindre. Heureusement, je les devance de plusieurs mètres. Mais je ne sais pas où je vais, la nuit où je revenais de La Vallée des Fées, des lucioles m'accompagnaient et me montraient le chemin à emprunter pour retourner à l'Arbre du Pendu, mais là, en plein jour et sans guide, je fais comment pour rejoindre le camp ?

Plus je cours, plus ma détermination et mon morale se font la malle. C'est la chute libre dans mon esprit, comme une pierre tombant du haut d'une falaise, sans aucun espoir de remonter en surface. Je me sens démunie, sans moyen de m'en sortir indemne de cette situation. Le décor qui m'entoure ne change pas et aucune échappatoire ne vient à ma rescousse. Si j'abandonne ils m'attraperont et allez savoir ce qu'ils seraient capables de me faire, je ne veux même pas l'imaginer.

Les images de ce matin me reviennent en pleine face : leur artillerie ensanglantée et autres décorations macabres, leur bassin sanglant, leur air dément... et Thomas. Après toutes ces révélations le concernant je n'ai qu'une envie, rester loin de lui. Il n'est pas question que je retourne dans ce village maudit dirigé par une sorcière maléfique.

Perdue dans mes sombres souvenirs, une lueur d'espoir fait son chemin pour recentrer mon esprit sur le présent. Sur ma droite, je vois se dessiner l'entrée d'une grotte. Je ne sais où elle me mènera, mais je pourrai au moins m'y cacher et avoir un peu de répit. Sans hésiter plus longuement je dévie vers celle-ci. En son centre, un ruisseau s'écoule silencieusement jusqu'à l'extérieur, séparant en deux la forêt. Je ne souhaite même pas savoir où ce canal humide se meure. Je tente d'éviter l'eau, longeant la façade rocailleuse de la grotte jusqu'à tomber sur un creux dissimulé derrière un pan de mur. À croire qu'il m'était destiné.

Malheureusement je n'ai point le temps de respirer que des pas déterminés s'invitent à ma suite, avant qu'ils ne se stoppent subitement. Le cœur battant et la respiration haletante, je tente de maîtriser tant bien que mal mes émotions saccadées, minimisant tout bruit qui pourrait révéler ma présence.

Pourtant une chose m'intrigue, je n'entends plus rien. Pourquoi ne font-ils plus de bruits ? Sont-ils partis ? J'inspire profondément avant de réunir tout mon courage pour vérifier si je suis bien seule. Alors que je m'apprête à sortir prudemment de ma cachette, je me retrouve brutalement poussée contre ce mur douloureux. En redressant la tête afin de voir qui a commis cet acte, mon cœur rate un battement.

Mais... Comment ? Ses yeux émeraudes plus que reconnaissables me dévisagent d'une intensité propre à lui. Une intensité que j'avais presque oublié. Me ramenant dans le passé, au premier soir de mon arrivée sur cette île où j'avais été plaquée de la même façon.

— Peter ? Mais qu'est-ce que tu...

— Tu es toujours vivante à ce que je vois.

J'en reste coite. Que dois-je penser de cette réflexion ? Je n'arrive pas à déterminer s'il est heureux ou déçu que je sois actuellement en vie tant son regard est impénétrable. Mais il n'empêche que je me sens piquée à vif, comme si par cette simple affirmation, seule la déception restait dans son cœur, serrant le mien par la même occasion.

— Tu aimerais que je ne le sois pas ?

— Je fais surtout tout pour que tu le restes.

Qu'est-ce qu'il sous-entend ? Alors que je requiers des explications, ses bras se placent de part et d'autre de mon visage, accélérant par la même occasion les battements de mon cœur face à notre proximité étriquée.

— Si je ne mettais pas ma main pour toi tu serais déjà morte depuis ton premier jour au Pays Imaginaire.

— Pourquoi tu me dis ça...

L'Ombre de Peter (Pause / Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant