#14 SMS & SOS

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Je ne dirai pas que toutes mes inquiétudes s'envolèrent quand Colin ouvrit la porte, mais la sensation n'était pas loin. Je me retrouvai à sourire bêtement alors que le brun nous fixait, Emilio et moi, comme si nous étions des aliens. Après quelques secondes de silence, le surdoué sembla se souvenir du pourquoi de notre présence et s'écarta pour nous laisser entrer.

Sa maison était assez éloignée du lycée et était située dans un quartier de classe moyenne, loin des tours de HLM, mais tout de même pas aussi friqué que chez Léanne. Je me dépêchai d'entrer quand il nous laissa passer, un sourire immense sur les lèvres. Je vous laisse imaginer mon enthousiasme à l'idée de voir où dormait Colin. Ça frisait le ridicule. Je passai bien vingt minutes à m'extasier et à poser des milliers de questions à mon ami jusqu'à ce qu'Emilio nous rappelle d'un ton sec qu'il avait des choses à faire et qu'il aimerait bien commencer le cours...

« Rabat-joie », grognai-je en m'asseyant.

Je ne vais pas mentir, le cours fut à la limite de la catastrophe. Pas à cause d'une quelconque dispute, non, mais plutôt à cause de notre incompétence, à Emilio et moi. Et pourtant, à aucun moment Colin ne s'énerva, ne perdit patience... Non, il resta calme et dut certainement essayer toutes les stratégies possibles pour nous faire apprendre, ou comprendre quelque chose.

Éventuellement, Emilio montra plus de progrès que moi, et s'échappa au bout d'une heure pour un soi-disant « rendez-vous ». En me penchant suffisamment j'arrivai à lire le nom de Léanne sur son téléphone. Qu'est-ce qu'ils manigançaient encore ?

« Isaak. Isaak ! »

Je sursautai au moment où Colin claquait des doigts juste devant mon visage.

« Q-Quoi ? bafouillai-je.

— Tu n'as pas fini l'exercice. »

Je ne vous avais jamais dit que Colin était un véritable accro au travail ?

« On ne peut pas faire une pause ? geignis-je, renversant la tête en arrière. J'entendis le brun soupirer.

— On a commencé depuis à peine deux heures...

— C'est déjà beaucoup ! »

C'était même un miracle que je sois resté concentré tout ce temps... Habituellement, ma concentration ne dépassait pas un quart d'heure.

« Très bien alors. On reprend dans vingt minutes. »

Presque aussitôt, un silence gênant s'installa entre nous. J'aurais voulu trouver quelque chose à dire pour briser la glace, mais rien ne me venait à l'esprit. Finalement, après de longues minutes à observer mes ongles, je me rappelai quelque chose.

« Désolé. »

Il leva les yeux vers moi, sans doute surpris et désarçonné. Il pouvait pourtant se vanter d'être la seule personne envers qui je m'excusais aussi souvent. C'était peut-être aussi parce qu'il était si facile de faire des erreurs avec Colin... Et pourtant jusqu'ici il avait toujours fini par me pardonner.

« Désolé pour tout à l'heure, dans la cour, précisai-je. Maintenant, tout le monde est au courant.

— Ah. C'est rien. »

Sa désinvolture me prit de court. Il s'en fichait complètement ou quoi ? Moi qui pensais que se retrouver au centre des rumeurs l'énerverait... Mais au final, ça n'aurait même pas dû m'étonner : Colin n'accordait pas plus d'importance au regard des autres qu'aux ragots d'adolescents.

Et alors je me sentis con. Con, parce que j'avais passé des années à maintenir cette image d'adolescent ordinaire, à me conformer aux règles implicites qui régissaient cet ersatz de société qu'était le lycée. Mais Colin s'en fichait, lui. Il vivait simplement comme il le voulait.

Cacophonie des cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant