Epilogue

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1 an plus tard

Il était dix-huit heures lorsque je quittai l'enceinte de l'université. Ma journée de cours s'était terminée tôt, mais j'étais resté étudier plus longtemps. L'université de Washington où j'avais été accepté était l'une des plus réputées du pays, aussi la charge de travail était-elle importante. Pourtant, j'en tirais une grande satisfaction. Après tout, les études secondaires avaient toujours été une source de frustration pour moi : des professeurs aux connaissances limitées, des cours d'un ennui mortel tant ils étaient simples.

Parce que mes parents tenaient à ce que je suive une scolarité normale, je n'avais jamais demandé à suivre des cours à la maison. Aujourd'hui, alors que j'étais sur le point de réaliser mon rêve, la difficulté des enseignements me ravissait.

Quelques élèves qui, comme moi, travaillaient tard s'échappaient aussi des bâtiments en direction de l'entrée du campus. Cela faisait maintenant trois mois que j'étudiais l'ingénierie aérospatiale à Washington, et je ne m'étais pas lié d'amitié avec qui que ce soit. Dans mon esprit, je pouvais déjà entendre ses reproches : « Colin, les amis c'est important. Tu ne peux pas vivre en ermite toute ta vie. ». Mais il n'était pas là pour me voir, il avait ses propres études à suivre.

Après ce fameux soir où je lui avais offert cet appareil, Isaak avait reconsidéré la photographie. Avec mon aide, il était parvenu à décrocher une place à une école d'art à Washington... et si au début je lui avais assuré qu'il pouvait rester à New-York, il m'avait répondu qu'il n'envisageait pas de relation longue distance pour nous.

Je trouvais cette décision stupide. Il y avait de très bonnes écoles à New York. Isaak y avait toute sa vie. Partir à Washington, c'était non seulement socialement, mais financièrement compliqué pour lui. Moi, j'avais évidemment décroché une bourse d'étude. Mais Isaak n'avait que son beau-père.

Lorsque je dépassai le portail principal, j'entendis une série de cliquetis à ma droite. Je me stoppai net, et me rapprochai du buisson dont venaient ces sons. Ma main plongea entre les feuilles, et lorsque je tirai d'un coup sec, Isaak en émergea, complètement décoiffé, et surpris. Je reculai d'un pas, et croisai les bras.

« Ah... Salut Colin, me dit-il, penaud.

— Je peux savoir ce que tu fais ?

— Euh... Je t'attendais ? »

Cet incident n'était pas nouveau. Depuis que nous avions repris nos études, Isaak venait toujours me chercher après mes cours, lorsqu'il en avait l'occasion. Et il passait son temps à me mitrailler de son appareil photo. J'avais beau lui répéter encore et encore que je détestais ça, il ne m'écoutait pas, et imprimait chaque cliché où je figurais pour le ranger dans une boîte, dans notre appartement. La première fois, il avait cherché à les accrocher au mur, mais je les avais jetés.

Je détestais me voir sur une photo.

« Tu as bien travaillé, aujourd'hui ? me demanda-t-il en rangeant son appareil.

— Je n'ai pas de retard, c'est le principal. »

Son visage se fendit d'un sourire, et il entoura mes épaules d'un bras. Je ne le lui disais jamais, mais le voir sourire faisait toujours s'accélérer les battements de mon cœur. Parce que son sourire était le plus beau que je n'ai jamais vu. Il était comme un soleil, éclatant.

« Et toi ? lui demandai-je. Les cours se passent bien ?

— Héhé. Je suis dans les dix premiers de ma classe. Mes profs disent que j'ai un très bon sens artistique.

— C'est le principal. Tu n'as pas intérêt d'échouer. »

Il rit doucement, et nous commençâmes à marcher. Le studio où nous habitions était proche de mon université, aussi je n'avais pas besoin de prendre les transports en commun. Tandis que nous marchions, je jetai quelques coups d'œil à Isaak.

En un an, il n'avait pas beaucoup changé, si ce n'était qu'il était beaucoup plus souriant. Je ne le voyais presque plus pleurer. Il se consacrait, tout comme moi, à ses études, et j'étais heureux de le voir s'épanouir un peu plus chaque jour.

Quand je l'avais connu, il était tellement... fragile. Je ne savais pas, encore aujourd'hui, pourquoi il avait choisi de se dévoiler à moi. Mais je n'essayais plus de comprendre, car c'était comme cela que fonctionnait Isaak : d'une façon tout à fait unique, et bien à lui. Personne, à part lui, ne pouvait entièrement comprendre cela. Tout ce que nous pouvions faire, c'était essayer. Alors chaque jour, j'essayais.

« Tu as des nouvelles de Léanne et Emilio ? demandai-je au blond.

— Mmh ? Ah, tout se passe bien pour eux. Ils se battent un peu pour que les parents de Léanne reconnaissent leur couple – ces gens sont de vrais clichés de haute famille ! Bref. On a prévu de se revoir aux prochaines vacances. Charlotte nous invite encore chez elle. »

Je lui souris doucement, et acquiesçai. Devoir se séparer avait attristé tout le monde, y compris moi, mais nous étions toujours en contact. Chacun devait vivre sa vie après tout, mais je me sentais coupable d'avoir imposé Washington à Isaak.

« Arrête de te faire du souci », me reprocha-t-il.

Face à mon air étonné, il appuya son index sur le bout de mon nez. Isaak me disait toujours que lorsque j'étais ennuyé ou frustré, je retroussai mon nez.

« Je ne regrette pas d'être venu avec toi, m'assura-t-il. Travailler dans la NASA est ton plus grand rêve, et cette université est la meilleure. Ce n'est pas comme si j'avais abandonné mes études ! J'ai juste changé de ville.

— Je sais, mais...

— Il n'y a pas de « mais ». Je suis plus qu'heureux d'être ici. Parce que mon avenir, je veux le passer avec toi. »

A cela, je ne répondis rien. Après tout, dans mon cœur vibraient les mêmes émotions qu'Isaak. La peur de le quitter. Le désir brûlant de vieillir avec lui. Je savais que je ne pourrai plus me passer de sa présence, désormais. Car Isaak s'était tant acharné pour briser ma forteresse, que j'étais incapable de la reconstruire.

« Isaak. » l'appelai-je soudainement en m'arrêtant.

Il se tourna vers moi, surpris. Sans jamais quitter son regard du mien, je pris une de ses mains dans la mienne.

« Je t'aime », lui dis-je simplement.

Son visage s'illumina et il se rapprocha de moi pour coller son front contre le mien. Nos souffles se mêlèrent, et je rompis l'attente en capturant ses lèvres. Le monde autour de nous disparu, et je me consacrai corps et âme à notre échange.

Il n'y avait que pour Isaak, que je pourrais abandonner la science. Mais je n'en aurais jamais besoin, car il m'acceptait pleinement tel que j'étais. « Étais-je Kamia » murmurai-je contre ses lippes.

Le futur ne nous effrayait plus, désormais. Tout ira bien, j'en étais intimement convaincu. Tout ira bien, tant qu'Isaak sera à mes côtés.

Parce qu'Isaak était et restera mon Soleil. 


FIN

Cacophonie des cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant