#25 Confessions estivales

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L'île était peu fréquentée aujourd'hui, puisque nous étions un jour de semaine, et ce fut tant mieux. Il faisait frais, aucun de nous ne regretta son maillot de bain. Nous parcourûmes le chemin jusqu'à la plage bordée par les parcs d'attractions, et je restai silencieux face à l'immensité de la mer qui s'ouvrit à nous. Les vagues étaient petites, et faisaient onduler les reflets du soleil sur la surface de l'eau.

Léanne s'arrêta à côté de moi et nous contemplâmes le même paysage pendant un temps qui me sembla délicieusement long. Finalement j'entendis sa voix qui s'éleva, douce, hésitante.

« C'est vide, murmura-t-elle, et je souris.

— C'est pour ça que c'est beau, lui répondis-je.

— Pourquoi ?

— S'il n'y a rien, alors tu peux remplir les vides toi-même. Être qui tu veux, voir ce que tu veux. »

Elle sembla méditer mes paroles, mais n'ajouta rien. Au lieu de ça, elle saisit mon poignet et m'entraîna vers la bande de sable qui n'attendait que nous. Je la laissai faire, amusé que mon entrain se soit communiqué à elle. Léanne s'arrêta à ce qui devait être à ses yeux l'endroit parfait, et s'assit. J'en fis de même, retirai mes chaussures et mes chaussettes pour enfouir mes pieds dans le sable. Elle rit en me voyant faire, et mon cœur me parut plus léger.

J'adorais l'entendre rire.

Léanne aurait pu être la sœur qui m'avait manquée, toutes ses années. Une compagne. La confidente que ma mère avait cessé d'être, à cause de la maladie.

Pendant longtemps, nous gardâmes le silence, les yeux fixés dans le vague. Nous étions chacun en tête à tête avec l'océan, nourris de l'espoir insensé de le voir avaler nos démons. Parfois, les rires d'un enfant résonnaient en arrière-plan, ou le vent soufflait autour de nous, projetant des grains de sable où bon lui semblait. Dans ces cas-là, je fermais simplement les yeux, et imaginais la mer comme elle devait être devant moi. Une figure maternelle.

« Tu es juste venu pour observer l'océan ? » me demanda finalement Léanne.

Je tournai mon visage vers elle.

« Non.

— Qu'est-ce qu'il se passe Isaak ? Tu n'es plus toi-même. »

Je retins un rire amer, et mon regard divagua un instant sur les pieds de mon amie, enfouis près des miens. Je remuai mes orteils dans le sable, et creusai un petit fossé.

« Je sais plus ce que je suis, Léanne » lui confiai-je.

Son regard s'attendrit, et elle se rapprocha de moi pour appuyer sa tête contre mon épaule.

« Tu te retrouveras, j'en suis certaine. »

Et je la crus. Je la crus, parce que je savais qu'elle était passée par là, elle aussi. Dénigrée pour ce qu'elle était, elle avait cherché à devenir une autre, et avait failli se perdre. Mais c'était une fille forte.

Moi, j'étais tout sauf fort. Et Colin me paraissait être un obstacle insurmontable. Je savais que je ne regrettais pas de l'avoir croisé dans la rue, ce jour-là. Seulement, je n'étais pas sûr de savoir si je regrettais d'être tombé amoureux.

« J'ai l'impression que c'est Colin qui décide de qui je suis, chaque jour, expliquai-je.

— Je ne crois pas qu'il soit aussi manipulateur », me répondit-elle en riant.

Je laissai un sourire effleurer mes lèvres et appuyai ma tête contre la sienne.

« Tu t'es retrouvée, toi ? lui demandai-je.

Cacophonie des cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant