#13 Amour, Ami, Alien

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Je me souvenais à peine de son visage, mais sa voix restait terriblement nette dans ma mémoire. Une voix faible et rauque, accablée par la fatigue. Je me rappellerai certainement toute ma vie la dernière fois où elle prononça mon prénom, le mouvement de ses lèvres sèches. Mais à cette voix s'associaient sans cesse les « bips » réguliers des machines, l'odeur du désinfectant, le blanc des murs, les sanglots de Keith – ou était-ce les miens ?

« Isaak ? Le cours est fini, tu sais ? »

Je claquai ma langue sur mon palais, agacé. Milo semblait déterminé à jouer son rôle de nuisible jusqu'au bout, et je ne savais vraiment pas ce qui me retenait de l'envoyer balader. « Tu te ramollis, mon vieux ». Je lui fis un geste vague de la main, et voyant que je ne comptais pas lui porter d'intérêt, mon éternel voisin de table soupira en roulant des yeux et s'en alla en traînant des pieds.

Je jetai un coup d'œil au paysage que j'avais sans doute fixé pendant une heure à travers la fenêtre et me levai lentement.

« Tu en tires une tête. »

Je me tournai dans un sursaut vers Colin, qui me fixait avec... inquiétude ? Non, ce n'était pas son genre. Je haussai les épaules et terminai de ranger mes affaires.

« Un mauvais rêve, lui indiquai-je simplement.

— Tu devrais arrêter de dormir en classe.

— Ne t'inquiètes pas, je serais très réveillé pour tes cours du soir... » lui susurrai-je.

Cela suffit à l'agacer et il sortit sans m'attendre. Je ricanai, presque blasé par son attitude, et trottinai à sa suite. Malgré tous mes appels, il ne s'arrêta pas et je fus forcé de me mettre à courir pour le rattraper. Arrivé à sa hauteur je passai un bras autour de ses épaules comme j'aimais le faire et le forçai à ralentir.

« T'as jamais appris à te détendre ? lançai-je.

— T'as jamais appris à réfléchir ?

— Touché. »

Je ricanai à nouveau et remarquais une courbure sur les lèvres de mon ami... Presque un sourire. Mon visage s'illumina et je me mis à marcher avec entrain. Un jour, je le verrai rire, j'en étais certain. Colin n'était pas une sorte d'humanoïde ni une statue de pierre. Il était humain comme nous tous, mais si unique... si unique qu'il me paraissait venu d'ailleurs. Et si les extraterrestres étaient tous comme Colin alors je m'embarquerais pour Mars le jour même.

« Colin, tu manges à la cafétéria aujourd'hui ? lui demandai-je finalement.

— Non, je vais aller m'installer dans un coin tranquille et...

— Génial ! Attends-moi là je vais m'acheter à manger ! »

Je le lâchai sans lui laisser le choix et me précipitai à l'intérieur de la cafétéria. Je me dirigeai vers les distributeurs et choisis un sandwich au hasard, pas vraiment concerné par ce que je pouvais avaler. Alors que j'attendais ma commande, je remarquai du coin de l'œil Léanne qui s'avançait avec un plateau, et un sourire immense se plaça sur mon visage alors que je captai son attention avec de grands cris.

« Salut Isaak, me lança-t-elle en s'approchant.

— Tu manges avec nous ? On va s'installer dehors avec Colin !

— ... Je ne vais pas déranger ? »

Je fronçais les sourcils. Si je le lui proposais, c'était que ça ne me dérangeait pas, alors je ne voyais pas pourquoi elle s'en préoccupait...

« Non, pourquoi tu dérangerais ?

— J'avais voulu t'en parler hier, mais... Vous êtes un couple non ? Enfin, c'est ce que disent les ragots...

Cacophonie des cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant