#5 Une sieste, des livres, et Emilio

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« Colin, tu comptes dormir ici ou bien tu vas enfiler ta tenue ?

— Arrête de me regarder avec des yeux de crocodile affamé et peut-être que je me changerai. »

Je soupirai et me détournai, portant mon regard sur le carrelage du mur. Son comportement capricieux m'agaçait, même si je comprenais tout à fait qu'il puisse être gêné... Après tout, j'avais terriblement envie de voir ce que ces chemises trop larges dissimulaient. Après m'être changé à toute vitesse, j'avais donc attendu avec impatience que Colin Millers daigne déboutonner son haut.... Mais voilà bien une demi-heure que nous y étions. Tout le monde était déjà sur le terrain et Colin restait assis sur le banc, buté.

Finalement, j'entendis les froissements de vêtements et jetai un coup d'œil derrière mon épaule, pour capter ne serait-ce qu'une microseconde de Colin torse nu. Et je m'étais attendu à tout, sauf à ça. Du torse recouvert de brûlures, à celui parcouru de cicatrices, j'avais imaginé tous les scénarios dramatiques possibles, qui expliqueraient le goût infect du brun en matière de vêtements. Mais au final, il n'y avait rien de tout ça. Seulement un torse, maigre et blanc comme une poule déplumée. Oh, il avait son charme, mais celui-ci était principalement dû à la myriade de grains de beauté qui parsemaient ses épaules, puis se raréfiaient au niveau des pectoraux et du ventre. J'en comptai tout de même une bonne dizaine au niveau du torse, mais n'essayai même pas de compter ceux qui se trouvaient au-dessus des clavicules.

De toute manière, Colin ne m'en laissa pas le temps puisqu'il enfila l'un de ces débardeurs de sport – lui aussi trop large – qui pouvait à la fois provoquer une éruption de charme masculin, ou enterrer le peu de dignité d'un homme.

« On peut y aller. »

Je levai un sourcil, puis lui indiquai la porte ouverte avec une petite révérence moqueuse. Au même moment, Emilio Jimenez arriva vers nous en trottinant. Je lui fis un signe de la main tout en refermant la porte derrière nous et m'apprêtais à courir pour le rejoindre quand il hurla, les deux mains positionnées autour de ses lèvres : « La lumière, Isaak ! » Je souris et haussai les épaules, rouvrant la porte du vestiaire pour effectivement éteindre cette fichue lumière. J'abandonnai ensuite Colin pour rejoindre rapidement Emilio, qui me tapota le dos en riant. Je dissimulai une grimace sous la douleur – ce garçon était un colosse et il ne semblait jamais en avoir conscience.

« Le prof était certain que tu n'éteindrais pas derrière toi... Mais pourquoi vous avez pris autant de temps pour arriver ? demanda-t-il d'une voix grave, qui faisait toujours chavirer le cœur des demoiselles.

— La princesse derrière nous a fait un petit caprice », lui indiquai-je en pointant mon pouce derrière moi. Un coup d'œil me suffit à vérifier que Colin nous suivait toujours et qu'il n'était pas ravi d'être ici.

« Ah... Mais pourquoi l'as-tu attendu alors ? Il est grand, il peut se débrouiller...» Emilio lança lui aussi rapidement un regard vers Colin. 

Je reniflai et tapotai son épaule.

« Mais parce que si je l'avais laissé tout seul, il aurait éteint la lumière en partant ! »

Sur ces derniers mots, je me mis à courir et rejoignis rapidement le groupe d'élèves qui nous attendaient. Il nous fallut, à Colin et moi, subir le sermon énergique de notre professeur. M. Devis n'était peut-être plus tout jeune, mais il pouvait humilier n'importe quel sportif de vingt-cinq ans.

Parce que sa réputation n'était plus à faire, il était certainement l'un des professeurs les plus adulés de ce lycée. Droit d'esprit, pédagogue, motivé et imaginatif, il rendait l'éducation physique presque supportable.

Cacophonie des cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant