clair de lune ; dernière lune

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Le jeune garçon lunaire scrutait lestement par la fenêtre son amante, sa compagne astrale qui dominait les cieux avec tant de vénusté : jungkook disparaissait pour ainsi dire doucettement de lui-même. Mais son sourire continuait lui aussi d'harmoniser merveilleusement ses songes les plus nébuleux, tandis que ses prunelles semblaient habiter les siens ; alia ne l'avait jamais vraiment quitté, subsistant éternelle en lui.

La porte de sa couche s'ouvrait sur une personne qui lui était familière ; il n'eut pas même à délaisser la Lune des yeux pour savoir d'ores et déjà qui occupait les lieux. Aussi, il percevait l'homme s'asseoir silencieusement, demeurant taciturne face à jungkook qui s'imposait finalement de lui accorder ses orbes, éteintes à tout jamais.

Le cinquantenaire arborait une mine bien assez olympienne, presque aussi quiet que l'étaient les étoiles ce soir. Jungkook gardait lui aussi le silence, s'autorisant néanmoins d'observer le vieil homme qui s'était installé sur une chaise, non loin de lui. Tout paraissait si laineux d'apparence mais les prunelles de jungkook contaient des plus belles calomnies, de si lourdes atrocités que l'homme se réservait quelques secondes pour assimiler cette vue. Nous l'avions égaré, mais le crépuscule dévoilerait bientôt ses premiers rayons ; alia n'était jamais bien loin et il le savait pertinemment.
« comment vous portez-vous ce soir jungkook? questionnait il simplement, peut être presque intimement.

Mais sa peine semblait si immense, trop émergente pour qu'il ait le loisir de voir ces énièmes mains tendues vers lui : elles semblaient si factices à dire vrai. Ce n'était après tout pas ses yeux qui dévêtaient son âme, mais bien ceux de l'homme qui lui faisait face et cela il le savait pertinemment aussi. Il la souhaitait si désespérément près de lui.

- elle m'a interdit de vous parler, répondait il malgré tout, d'une voix trop nécrosée pour être ignorée.

- qui donc ? interrogeait il de nouveau, pour le coup bien moins intrusif.

C'était la clarté d'Artémis qui illuminait, seule, le petit habitacle.

- la Lune, murmurait il d'un ton las. elle se dévoile au ciel, désenchantée depuis quelques temps, mais elle refuse de m'en donner la raison, ajoutait il d'un même ton, c'est seulement ses pleurs que je perçois la nuit comme le chant des naïades bercée par les pleureuses.

L'homme souriait alors, si doucettement que jungkook cru un instant la percevoir, un instant seulement. Ce personnage aux épaules menues acquiesçait lentement d'un air si affable, face au regard confus du jeune homme dans sa propre perte de lui-même : pourquoi cette absence paraissait soudainement si emphatique? Comme si l'Eclipse avait finalement cessé d'orner la voûte céleste ; qu'elle n'y paraîtrait plus jamais.

- je n'étais peut-être pas apte à vivre auprès de cette fulgurance, énonçait finalement jungkook. mais son éclat continue d'arpenter merveilleusement mes souvenirs, rajoutait il d'un timbre de voix si doux, trop doucet.

Le vieil homme perdait alors pianissimo l'ataraxie qui régnait pourtant dans la pièce. Les coins de ses lèvres trahissant la désillusion qui se dévoilait doucement, lorsqu'une infinité de papillons noirs immergeaient dès à présent l'âme du jeune garçon. Il suffisait d'écouter, de boire les paroles de cet être d'apparence si enluminée, mais d'un chatoiement en vérité bien trop dénaturé ; il suffisait simplement de l'entendre d'une bonne oreille pour comprendre.

- les nuits me paraissent si longues depuis quelques jours, tandis que la journée les nuages semblent constamment prédominer le ciel, comme si le soleil avait finalement abdiqué. malgré tout, sa clarté perdure, constatait il, son intonation semblait si éreintée, presque élimée.

- ce sont les raisons qui poussent la Lune à verser les cataractes? songeait il en réponse, plongeant sa réflexion dans les prunelles enténébrées de jungkook.

- elle ne m'entend déjà plus, soupirait il alors un instant, observant de nouveau Hécate.

Un ange passait et l'homme assimilait aisément qu'il n'était pas question de prononcer un traitre mot ; la vérité risquait finalement d'enluminer les tâches ombrageuses. 

- je ne serai plus que la brume funeste qui précédera ses nuitées sans Lune, avouait il doucement, un léger sourire aux lèvres. je ne pourrai bientôt plus tenir sa promesse, reprenait il en scrutant l'éclat de l'astre bleutée qui semblait si « fade » à présent.

Jungkook se redressait alors lentement, s'apposant contre les carreaux translucides, Artemis dévouant sa phosphorescence à travers la fenêtre pour illuminer celui qu'elle avait tant couvé. Aussi, cette dernière implorait la présence du Soleil, elle l'abjurait chaque nuit durant tandis que cet ensoleillement divin paraissait doucettement comme un songe bien trop lointain. Il ne restait que ce jeune garçon, esseulé, baigné de lumière azuréenne le rendant ainsi presque onirique, imaginaire aux yeux du vieil homme qui se perdait dans cette contemplation chimérique : il n'était que partiellement.

- la Lune est malheureusement bien trop dépendante de cette lumière divine qu'émet le Soleil ; Hélios épure, Hécate ensoleille captieusement, déclarait il d'un sourire si résolu, alors que la clarté qui transparaissait à travers les carreaux révélait des reflets sur sa chevelure encore jamais paru en ce monde. qu'est-ce que vous en pensez?

L'homme ne pouvait cacher le mal qui découlait de son regard ; jungkook semblait si merveilleux en cet instant mais paraissait incertain, comme si lorsque le jour se montrerait, il n'en résulterait que sa belle vénusté aux cieux, seulement lorsque la nuit se dévoilera.

- j'en crois que le Soleil et la Lune seront toujours dépendants l'un de l'autre, finissait il par répondre, lorsque le cycle de la Lune se termine et que celle-ci n'est plus, c'est les pleurs du Soleil qui enchantent le ciel étoilé, tirant sa révérence pour s'en retirer de la voûte céleste.

Et jungkook souriait si divinement, d'un sourire si pleinement épanoui que le cinquantenaire n'en croyait pas ce qu'il pouvait voir, tout semblait si singulier après tout.

- merci, murmurait il, orientant légèrement son visage vers le ciel de nouveau, j'ose croire qu'elle vous ait entendu.

- je vous souhaite une belle nuit, prononçait il finalement et définitivement quiet, alors qu'il observait une dernière fois son patient installé à même le sol, ne quittant plus la fenêtre des yeux. »

Seul dans l'habitacle, jungkook fermait paisiblement les yeux, tandis qu'une perle illuminée roulait précieusement sur sa joue. Elle était enfin là.

« merci jungkook, mon cœur est en paix désormais. »

borderline ; jungkook [a.s]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant