LE REFLET DE LAÏS ━ﾞLA PASSE-MIROIR✔

Chapitre Sept

Mille éclats

Le monde était fait de mille éclats.

L'Ancien Monde.

Mille éclats de guerres.
Mille éclats de larmes.
Mille éclats de pertes.

Puis, la Déchirure.

Mille éclats de terre.
Mille éclats d'arches.
Mille éclats de pouvoirs.
Mille éclats d'esprits de familles.

Pourquoi ? Elle ne le savait pas plus que les grands historiens du monde. Mais, ce monde était bien étrange.

Vingt-six arches majeures.
Cent quatre-vingt-six arches mineures.
La mer des Nuages.
Un Soleil. Une Lune.
Le Noyau de monde.

Laïs se réveilla en sursaut. Des points lumineux dansaient devant son regard vitreux. Que s'était-il passé ? Où était-elle ? Pardon ?

  -Eh bien, j'ai cru que tu ne te réveillerais jamais ! Claqua une voix sèche.

Fichtre, que se passait-il ? Laïs se releva avec difficulté. Elle était sur un lit simple. Des draps plissés. Autour, des hublots. Un broc en fer blanc. Un verre de lait. Des valises. Sa cabine, dans le dirigeable ?
Assise sur une chaise, à la veiller, la tante Roseline, jaune, étriquée avec son chignon en pelotte d'épingles blond, la regardait d'un oeil circonspect.

  -Si tu n'es pas prête à te lever, inutile de te mettre sur pieds.

  - Je vais bien, ma tante.

Roseline se leva d'un bon et laissa tomber un vieux livre, qu'elle était en train de rafistoler, avec ses pouvoirs animistes.

  -Tu vas bien ? Répéta-t-elle d'une voix blanche, à la limite de l'hystérie. Ma pauvre gamine, tu vas tout, sauf bien ! Tu t'es évanouie en arrivant dans le salle des Cartes et cela fait trois jours que tu dors !

Laïs ne montrait rien de l'extérieur, mais en son fort intérieur, elle était abasourdie. Trois jours ? Complets ? Ils étaient partit depuis tout ce temps ? Fichtre. Ça ne lui était pas arrivée, depuis une éternité, ces petites crises de sommeil.
Elle observa ses mains couvertes de ses gants de *liseuse*. Elle tremblait. La peau de ses poignets, qu'elle pouvait voir entre sa chemise de nuit, était si diaphane, que Laïs eu réellement peur de disparaître pour de bon. Elle devait manger.

Elle se frotta les bras et aperçu alors, mille éclats de bleus sur sa peau, sous le tissu, en une seconde. Quoi ? Elle ravala sa line horrifiée. Elle rabaissa la manche brutalement et lança.

  - Je vais bien, ma tante. Mentit-elle. Ne vous inquiétez pas. Je vais très bien...

Elle déglutit de travers. Elle allait bien. Heureusement, Roseline ne lui posa pas plus de questions et lui enfonça dans les mains, une tasse de thé, une brioche et une soupe, sur un plateau.

  -Mange ! C'est à peine, si on te voit ! Paniqua-t-elle. Ta mère m'avait prévenu de faire attention mais ça... c'était trop, jeune fille, j'ai failli faire une syncope.

Laïs essaya de la rassurer, encore une fois. Mais, sa marraine était une reine en matière d'arguments. Elle finissait par s'excuser d'un épanouissement dont elle n'était pas responsable, mais elle n'en voulait pas à sa tante. Après tout, elle n'était que mille éclats d'inquiétude, en cet instant.
Alors qu'elle reposait le plateau vide, sur la table de chevet, Laïs demanda.

  -Que s'est-il passé, pendant ces trois jours ?

Les lampes vacillaient. Laïs se leva et se cacha derrière un paravent et changea sa chemise de nuit, pour une chemise de corps. Roseline lui passait une robe à l'orange des couchers de soleil, par-dessus la cloison amauvible de bois.