Chapitre Dix-Neuf

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L'étrangeté

Lorsqu'elle rentra dans la pièce, tout était tapissé de velours sombre et de lambris. Cela donnait une impression qui étouffait, écrasait quiconque osait pénétrer dans les lieux. Les meubles ajustés dans la pièce étaient cerclés de fumée grisâtre. Laïs senti un haut-le-coeur lui monter le long de l'œsophage. Elle s'obligea à se tenir contre un mur pour ne pas s'évanouir.

Quelle était cette sensation affreuse ?

Papillonnant des paupières, la vue encore plus floutée que la réalité, elle remarqua des pièces de collections très étranges, des fauteuils et des sofas extrêmement vieux, tout de noir vêtus.

Neutre comme le temps, profond comme l'espace, pensa Laïs.

  - Une niña de la haute me demande ? Ricana la même voix.

Laïs prit une grande inspiration, plaqua une de ses mains contre ses jupes près du tisonnier et se tourna. Elle fit face alors à une étrangeté vraiment incroyable. Comme un spécimen à classer dans un cabinet de curiosité.

La femme ressemblait à si méprendre à un homme à première vue, tant son corps était large, tassé et sans grâce. Comme un tas de chair ramassé dans une robe à rayures noires et blanches. Sa peau était basanée, mais avait la consistance du vieux cuir bourrée de tâches de vieillesse.

Demander s'il s'agissait bien de la Mère Hildegarde serait idiot. Il n'y avait pas de doutes possibles. Même son accent qui faisait des bas et des hauts, roulait sur sa langue comme une sucrerie inconnue.

  - Je ne suis pas une fille de la haute. Rectifia Laïs toujours bousculée par son envie de rejeter toute nourriture de son corps.

La Mère Hildegarde cracha un long jet de fumée dans le visage de Laïs qui manqua de s'étouffer. Ses petits yeux noirs ne la lâchaient pas d'une seconde.

  - Tu n'es pas une domestique non plus, tu es qu'une étrangère.

Elle sentit comme une vérité la percuter de plein fouet.

  - C'est vrai. Murmura-t-elle. Mais je viens ici pour une bonne raison.

Le sol continuait à se déformer, à tanguer alors que la Mère était tranquillement assise, sa canne juchée entre ses jambes.

  - Ça me fait bien rire ! Rigola l'autre. Tu veux que j'agrandisse le placard qui te sert de chambre ?

  - Non, madame. J'aimerai quémander votre... aide.

Laïs suffoquait. Est-ce qu'elle était victime de sa propre faiblesse ou un pouvoir était jeté sur elle ?

  - Oh, niña, mon aide pour quoi exactement ? Pour avoir des informations sur les aristos pour votre cousine ou autre chose ?

Un silence. Laïs n'arrivait plus à répondre. Elle se sentit glisser contre le mur, prête à tourner de l'œil. Une bruit de cristal se répercute en elle. Flûte.

  - Ma cousine ou plutôt moi-même, comme je l'ai dis à Gaëlle.

Aussitôt ces mots dits, la pression se retira de son corps. La gravité arrêta de lui faire regretter la vie. Laïs tomba à genoux, inspirant difficilement, les yeux exorbités, écoeurée.

Ça s'était arrêté ! Elle aurait pu rire tellement elle était soulagée. Elle sentait tout ses membres trembler comme si elle allait exploser.

Comme la coquille blanche de son cauchemar.

  - Ce mécanisme de défense s'enclenche dès qu'un inconnu avec trop de pouvoirs me fait face, près à vous écraser aux moindres faux-mouvements. Je savais que tu n'étais pas ce que tu prétendais être dès le début.

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant