Chapitre Dix

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Le dîner part en vrille

Vestibule, escaliers d'ambassadeur, tableaux et tapisseries, cette maison était plus un manoir et comme ne cessait de le répéter la tante Roseline : "beau comme un coffret à bijoux".

Laïs venait juste de sortir de son bain. Roseline attendait dans la chambre à côté. En plus d'être pudique, Laïs n'avait aucune envie d'imaginer la tête de sa tante, en voyant ses bras et sa taille couverts de bleus, violet et parfois constellés de petites étoiles bien étranges.

Elle avait beau se regarder dans tout les sens, elle ne comprenait pas. Était-ce ce qui avait provoqué son évanouissement dans le dirigeable ?

Si cela avait un rapport, pourquoi ? Et comment ? Et si, c'était tout autre chose, elle devait vraiment subir l'un et l'autre ?

Entourée de son draps de bain, Laïs s'observait à travers la vapeur et les plantes grimpantes.

Son regard vitreux, bleu terne, dansait sur son reflet, sous ses paupières lourdes. Des lèvres charnues, une mâchoire volontaire. Des longs cheveux beaucoup trop fins à son goût, décolorés et beaucoup plus transparent sur les pointes. Trempés. Des oreilles légèrement décollées. Un teint étiolé et hyalin qui se marquait facilement. Un corps gracile, translucide. Une petite poitrine, une taille de guêpe et de larges hanches, tout cela sur un petit gabarit.

Une fille perdue, qui essayait de s'en sortir. Voilà ce qu'elle voyait. Mais ce qui comptait, c'était si elle allait y arriver.

Elle s'approcha du miroir et tendit la main. La surface commença à onduler comme de l'eau.

Deux coups résonnèrent sur la double-porte de la salle d'eau. Laïs sursauta.

-Sort d'ici, Laïs ! La petite domestique, jeune fille...enfin Pistache, nous a demandé de descendre. Lança la tante Roseline.

Pistache, la jeune fille qui attendait leur arrivée sur le porche. Puis, il y avait aussi un valet. Il n'y avait plus aucun doute, le Pôle avait gardé les métiers de l'ancien monde.

Laïs s'arracha d'elle-même et commença à s'habiller.

Heureusement que les valises avaient suivi jusqu'au manoir de Berenilde. Laïs enfila une belle tenue, violet foncé, presque améthyste, à dentelle noire. Seule la peau de son visage était visible. Même ses mains étaient cachées par ses gants de liseuse. Après tout, c'était mieux ainsi, personne ne devait voir ce qui se cachait en dessous.

Elle retourna dans la belle chambre au lit à baldaquin et au demi-jour qui passait à travers les vitraux à croisillons. Une lumière qui ne devait pas exister puisqu'il faisait entièrement nuit, depuis qu'elle était arrivée. Un pouvoir, peut-être ?

Roseline s'occupa de ses cheveux qu'elle natta en deux maccarons bas. Elle ne cessait de lui donner des recommandations de comment se tenir ou répondre. Laïs n'avait pas vraiment écouté, elle aviserait sur le moment.

Quelques minutes plus tard, Pistache les guida à travers les pièces vides et gigantesques. Enfin, elle les amena dans une grande salle à manger. Déjà, trois personnes étaient assises autour de la longue table. Laïs reconnu immédiatement Thorn. Une petite vieillarde et une belle dame. Laquelle était la tante de Thorn ?

- La voici ! S'écria l'antiquité, habillée en noir.

Laïs ne l'aimait pas trop, à première vue, elle ressemblait à une Doyenne. Et, elle détestait celles-ci. La femme s'approcha et leva les mains pour lui toucher le visage. Laïs s'éloigna d'un grand pas en arrière, par réflexe.
Elle ne voulait pas aussi avoir les joues pleines d'ecchymoses, elle préférait rester sur ses gardes. La grand-mère fronça les sourcils puis sourit.

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant