Chapitre Dix-Huit

242 16 0
                                    

Balade

Cela faisait une bonne heure que Gaëlle lui montrait les lieux : antichambres, salons, bibliothèques, bureaux, fumoirs, salles de bals, salles secrètes et boudoirs.

Entre les fumées de narguilé, les rires alcoolisés, les couples entremêlés, les silhouettes titubants, Laïs essayait de rester calme et de se refléter dans chaque miroirs, glaces qu'elle croisait. Elle devait avoir une liberté de mouvement nécessaire.

En marchant, en se baladant, elle ne pouvait pas le nier, cet endroit était le repère de la décadence : autant charnelle que psychologique.

Les nobles étaient tous les mêmes et Laïs comprenait pourquoi ils se précipitaient dans les bras de l'ambassade : entre les fêtes, les soirées, les beuveries, les jeux de rôles, les parties de cartes, les femmes qui se déshabillaient à vue d'oeil et pas sur les genoux de leurs époux, les aristocrates avaient effectivement un bon moyen et une bonne raison de rester.

Berenilde était tout à fait dans son élément. Laïs l'avait vu dansé avec Archibald une fois redescendu. Elle était un peu mal à l'aise en repensant à ce qui s'était passé. Et si Thorn le découvrait ? Comme réagirait-il en savait ce que l'ambassadeur avait commencé à faire ?

Elle hésitait entre deux choix : soit il s'en ficherait, soit... il s'en ficherait.

Thorn ne pouvait pas s'intéresser à elle s'il avait accepté que sa fiancée aille dans ce trou à rats, de débauche et de luxure. Elle ne pouvait pas rester ici : l'air était empoisonné, sa vertue risquait de prendre un coup dur avec Archibald et son pouvoir malsain. Sans parler des meurtriers qui se cachaient dans les couloirs et tout ces potentiels ennemis qui la guettaient si elle agissait autrement qu'en "Mme Camélia".

Décidément, Thorn ne voulait rien savoir. Mais elle allait lui faire entendre raison. Ou au moins lui faire cracher le morceau. Il devait forcément avoir une raison de la jeter dans le nid de manthe-religieuses. Ce mariage cachait une autre affaire.

Alors qu'elle remontait les étages avec le monte-charge, après que Gaëlle lui ai montré, les cuisines, le bureau du régisseur, celui du majordome et les quartiers des domestiques, entre deux étages, la mécanicienne fit le premier pas.

Sans prévenir, elle attrapa le poignet de Laïs et l'obligea à la regarder droit dans les yeux. Sans hésiter, elle prit son tisonnier, l'arracha de sa cuisse et le posa contre l'estomac de la mécanicienne.

- Lâchez-moi. Gronda Laïs.

Une tension subsistait. De la sueur. De la chaleur humaine. Le petit courant d'air de la montée.

- Je ne vous savais pas si réactive.

- Lorsque sa vie est en constant danger, on apprend à avoir des réflexes. Cette balade, reprit-elle, c'est un piège ?

- Non, je vous l'ai dis, je travaille pour la Mère et pour elle, nous sommes dans le même camp.

- Alors pourquoi vous ne me lâchez pas ?

- Avez-vous reçu des sabliers avant de venir au Clairdelune ?

Le monte-charge continuait toujours son petit bonhomme de chemin. Encore heureux, elles n'avaient pas prit l'ascenseur officiel : quelle serait la tête du groom devant deux jeunes femmes qui se battaient comme des chiffonnières ? Une domestique et une invitée de l'ambassadeur ? Enfin, là n'était pas la question d'urgence.

Laïs la fixa de ses yeux bleus ternes.

- Est-ce que cela change quelque chose que j'en possède ou pas ?

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant