Chapitre Quatorze

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Les cicatrices

À part lui présenter son profil, Laïs savait que la colère de Thorn était légitime. Elle s'était presque enfuis. Mais lui refuser sa propre liberté, c'était bien pire et c'était de sa faute.

Thorn lui désigna lentement, d'un geste de la main, l'un des fauteuils. Laïs s'y assis sans rechigner.

Elle observa pendant quelques instants, les feuilles mortes qui volaient derrière les vitres sur la terrasse. L'herbe tendre perlée de rosée. Quelle heure était-il ? Avait-elle vagabondé toute la nuit ou toute la journée ? Elle en avait pas la moindre idée. Au dehors, le ciel prenait des tournures orangées.

- Je n'ai rien à expliquer. Murmura Laïs.

- Je trouve cela un peu léger, vu que la servante ne vous a pas trouvé dans votre lit.

- J'ai essayé de vous suivre. Malheureusement vous avez de trop grandes jambes pour que je puisse tenir le rythme. Lâcha-t-elle de mauvaise humeur. Il fallait me laisser venir avec vous.

- En quoi "la prochaine fois" vous a-t-il dérangé ? J'ai pourtant été clair sur la raison de mon refus. Gronda Thorn.

Laïs se leva d'un bon.

- Vous savez où est votre refus, monsieur ? Chuchota-t-elle avec hargne. Il est perdu au fin fond d'un océan d'incompréhension ! Comment voulez-vous que je me protège si je ne sais même pas ce qui m'attaque ? Comptez-vous sur ma clervoyance inexistante pour me sortir d'affaire ?

- Si vous étiez restée dans votre lit, votre protection serait sauve. Gifla Thorn beaucoup trop calme. Je crois que vous avez aussi oublié de me préciser que vous étiez Passe-miroir.

Laïs se rassit sur le fauteuil. Trop fatiguée pour rester debout. Un orage grondait au dehors et les éclairs rendaient par intermittence Laïs, plus transparente qu'elle ne l'était déjà.

- Je suis navrée, monsieur. N'était-ce pas marqué en dessous du contrat de notre mariage ?

Thorn sortit brutalement sa montre à gousset de sa poche interne d'uniforme. La chaînette tinta contre le tissu. Tac tac.

- Vous rendez-vous compte que je vais devoir vous supprimer tout les miroirs de ce manoir ? Claqua-t-il de son accent glacé et dur.

Laïs resta silencieuse. Son feu intérieur faiblissait. Elle voulait juste dormir, sans se battre. Juste laisser tomber. Mais, elle ne le pouvait pas. Il s'agissait de son avenir qu'elle argumentait avec Thorn. Elle ne pouvait pas être plus directe, ce n'était même pas une conversation.

- Faites donc, la prochaine fois vous devriez arracher les portes et les fenêtres. Lança-t-elle d'une voix enfiévrée en tournant la tête vers lui, pour le fixer yeux dans les yeux.

Tac tac. Le couvercle claqua et Thorn rangea sa montre à gousset. Il s'approcha d'elle, lentement, d'une manière aussi raide que formelle.

- Vous êtes blessée.

Fichtre, elle avait oublié de tourner son visage. Sans prévenir, Thorn craqua les jointures de ses genoux et descendit d'un cran, pour être accroupi. Maintenant il était face à elle, puisque Laïs était assise. Leurs visages avaient bien cinquante centimètres d'écart et pourtant elle ne s'était jamais sentie aussi intimidée. Lui révéler une faiblesse.

Pourtant son visage resta impassible, le bleu terne et les paupières lourdes ne bougèrent pas d'un cil.

Elle pouvait voir de près, les traits anguleux de Thorn. Sa cicatrice qui avait mangé une partie de son sourcil blond. L'autre qui traversait la chair de sa tempe. Ses lèvres fines et pâles, son nez haut et ses yeux d'un gris opalescents.

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant