Chapitre Huit

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Les ailes des loups

Le Pôle était juste sous leur pied. Le dirigeable stagnait au-dessus des étendues blanches, des magnifiques toundras qui brillaient sous la lune et les forêts de conifères couleur émeraude.

Laïs n'en avait vu qu'un morceau, par la baie vitrée, juste avant que des protections cache toutes traces de paysage.

Maintenant, ils attendaient tous dans le petit sas. Tous signifiait : la tante Roseline, qui s'était couverte à telle point que seul son nez dépassait, entre sa fourrure et sa toque. Elle insistait avec un pauvre homme de l'équipage, à quel point les valises devaient être maniées avec délicatesse. De l'autre côté, Thorn, gigantesque, sous sa peau d'ours, les épaules voutées, son regard métallique et son profil de faucon, ne cessaient de s'impatienter.

Il regardait sa montre, tac, tac, puis fixait la porte du sas et recommençait encore et encore. Apparemment la manoeuvre de l'atterrissage, prenait plus de temps que ce qu'il avait calculé.

Laïs était assise dans un coin, dans un manteau de fourrure brune qui l'engloutissait presque autant que sa tante. Un chauffe-bras de la même couleur et elle avait bien été obligée de laisser son canotier pour un bonnet. On ne voyait d'elle, qu'un petit bout de nez transparent et un regard vitreux sous des paupières lourdes.

D'après ce qu'elle avait rapidement écouté entre deux conversations, des hommes de l'équipage, Thorn avait fait demander, de changer la trajectoire du dirigeable. Il devait normalement s'arrêter dans une petite ville et prendre un transport plus discret chez un garde-chasse, mais il avait changé d'avis.
Dorénavant, c'était ce fameux transport qui devait venir jusqu'à eux, directement dans le ciel.

- Tu as bien une double paire de chaussettes, comme je te l'ai demandé ? Questionna soudain Roseline.

-Oui, ma tante.

-Couvre-toi bien, hors de questions de me faire une deuxième frayeur !

Laïs hocha la tête en silence. Si sa tante voyait vraiment tout ce qui n'allait pas, sous ses couches de vêtements, sous sa peau, sous ses muscles, dans son esprit et son âme, elle serait vraiment morte d'inquiétude. C'était pour cela, que Laïs ne lui disait pas toute le vérité.

Elle jeta un coup d'oeil à Thorn. De profil, il avait les sourcils froncés, le crin clair filendreux, il semblait plongé en pleine réflexion. À quoi pensait-il ? À cette fameuse tante ? À leur fiançailles ? Certainement, non.

Au même moment, un membre de l'équipage apparu, essoufflé et d'une certaine manière, soulagé.

- Les traîneaux sont ici ! Ils avaient quelques minutes de retard...

-Quelques minutes ? Grinça Thorn. Exactement neuf minutes et quinze secondes. Faites-nous descendre le plus vite possible, nous avons déjà assez perdu de temps.

L'homme se tut et se pressa vers une manivelle en cuivre et acier, sans chercher à protester, qui attendait à côté d'un panneau coulissant. Laïs se releva, suivant précisément ce qui se passait. Un bruit d'engrenages, quelques claquements et poulies crissèrent.

Alors, le sol du sas, s'ouvrir en deux.

La neige, le vent et l'air hivernal s'engouffra dans la chaleur du dirigeable qui sentait le fer, l'huile et la corde. Laïs frissonna et se ressera dans sa pelisse. Elle sentit son nez rosir, Thorn plisser les yeux et la tante marmonner, choquée par une température aussi épouvantable.

Évidemment, Laïs avait dû lui raconter certaines choses, après sa visite avec Thorn, il y avait deux jours de cela. Et bien, elle avait transformé la plupart des menaces et mises en garde de Thorn, en simples phrases de politesses.

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant