Fire & Gasoline - Tome 2 [EN COURS]

J'ai menti

Les deux hommes en uniformes s'avancent dans la pièce jusqu'à mon lit, jaugeant mon état de santé du regard. Je m'efforce de prendre l'air le plus malade possible pour écourter leur visite. Le flic qui n'a pas encore parlé, que je décide de surnommer Jean-Michel Silence, sort un petit carnet pour y prendre des notes alors que son collègue, appelons-le Jean-Jacques Connard, s'assied très cavalièrement sur la chaise disposée près de mon lit puis me demande :

« Vous connaissez les personnes qui viennent de sortir ? »

Super, je suis tombée sur un génie.

Il me semble évident que si des gens étaient dans ma chambre, ce n'était pas pour y boire le thé et donc que je les connais. Sans compter qu'il a vu Daryl m'embrasser. Je hoche la tête.

« Oui.

-Des amis à vous ?

-Un ami et mon petit ami. »

J'insiste sur le mot ce qui le fait grimacer discrètement. J'ai bien vu le regard qu'il adressait à mon homme et je veux qu'il comprenne bien qu'au moindre mot déplacé de sa part, je n'hésiterais pas à l'envoyer sauvagement se faire mettre. Jean-Michel Silence décide de sortir de son mutisme sans lever la tête de son carnet :

« Votre petit ami était avec vous lors de l'agression ?

-Non, il était allé changer de monnaie. »

Cette question me semble être une simple vérification. Ils ont probablement interrogé Daryl et veulent vérifier que nos versions correspondent. Cela dit, pour que ça soit efficace, ils auraient dû éviter que je puisse discuter avec quelqu'un avant de les voir...

« Pourquoi étiez-vous à l'aéroport ? demande Jean-Jacques Connard. »

Pour faire un tennis...

« On allait prendre l'avion.

-Pour où ?

-Carthagène des Indes. C'est en Colombie, ajouté-je en voyant le regard un peu perdu que s'échangent les deux hommes.

-Pourquoi aller là-bas ?

-On devait s'y installer.

-Pourquoi ? »

Ils sont sérieux, là ?

C'est quoi ces questions sur le voyage ? Aux dernières nouvelles ils sont ici pour enquêter sur le fait qu'un type a essayé de me découper ! Je fronce les sourcils alors que ma voix se fait plus sèche.

« Pour y vivre. »

Jean-Jacques Connard laisse échapper un renâclement tout en faisant une moue dubitative, comme si l'idée de quitter les Etats-Unis pour vivre ailleurs lui était totalement incongrue. Vu sa remarque de tout à l'heure, je suis prête à parier qu'il aurait réagi différemment si Daryl et moi avions prévu de nous installer au Canada ou dans un pays « non-hispanique ». Jean-Michel Silence fait honneur à son surnom et ne commente pas.

« Et donc, reprend l'autre, votre...petit ami (il ne cache même plus sa grimace en prononçant ce mot) n'était pas avec vous au moment de l'agression.

-Non. »

Je crois que j'ai déjà répondu à cette question...

« Vous pouvez nous dire ce qu'il s'est passé ?

-Je me suis mise à l'écart pour attendre et...(je fais semblant de fouiller dans ma mémoire) je me souviens que je regardais une vitrine.

-Et ensuite ? »