— Comprenez-vous ce qui se passe ?
Le général approchait, suivi d'Antony et Olivier, deux des derniers officiers en état de combattre. Un masque de surprise recouvrait leurs traits fatigués. Alors que nous devions faire face à un nouveau danger, la création d'une brèche dans la muraille, nous assistâmes, incrédules, au recul de l'ennemi. Comme eux, nous dirigeâmes nos regards vers la colline. Ses protecteurs, incertains, avaient subitement pris position le long de la crète, comme pour la défendre. Fébriles, ils reculèrent ensuite dans le plus grand désordre, laissant apparaître des cavaliers aux silhouettes assombries par la distance, déployées sur la ligne d'horizon. À ce moment précis, une onde d'espoir m'envahit, proportionnelle à la stupeur des Galiens.
Les nouveaux venus ne semblaient pas manquer de courage. Plusieurs dizaines chargeaient sans états d'âme, secondés de traits meurtriers. L'assaut fut si soudain et précis que l'ennemi s'enfuit promptement sans demander son reste.
À cette heure, la colline s'en trouvait investie par des humains qui, j'en étais ébahis, nous observaient.
— Pas du tout, princesse, répondit le général. Je ne sais pas ce qui se cache derrière tout ça.
Je n'écoutais pas, incapable de détacher mon attention de la petite troupe amassée sur la pente lointaine. Certains passaient d'un trébuchet à l'autre, une torche enflammée à la main. Ils agissaient avec une belle assurance, sans précipitation. On eut dit une bande de voleurs, sûrs d'eux, opérant en toute impunité.
— Les renforts, dis-je. Ce sont les renforts.
Une affirmation qui laissa les officiers dubitatifs.
— Je ne vois pas ton père monter une telle opération, répliqua le général. Qui oserait prendre les Galiens à revers ? Pour y affronter leur cavalerie lourde ? Sur leur propre terrain ?
— Au moins, on sait pourquoi la cavalerie galienne a disparu, nota Antony en grattant sa barbe naissante.
La dextérité de nos alliés inattendus semblait témoigner de leur passé guerrier. Pour autant, quelque chose clochait.
— On dirait, hésitai-je, on dirait qu'ils découvrent le paysage.
— Effectivement. À croire qu'ils ne sont jamais venus jusqu'ici, remarqua Antony.
Surprise par la perte de la totalité des armes de siège, l'armée galienne avait reculé de soixante pas. Massés le long des éboulis, nos hommes profitaient d'un repos mérité.
— Ils n'ont pas l'air très nombreux, fit remarquer Antony.
— Pour peu qu'ils soient tous visibles, moins de deux cents, estima le général.
— Si c'est tout ce qui leur reste après avoir affronté la cavalerie lourde, commença Olivier, il s'agit là d'une bien pâle victoire.
— Peut-être, tempéra Antony, mais cette bataille a tellement impressionné les défenseurs du mont d'en face qu'ils ont dévalé la pente en abandonnant leur matériel.
Les milliers d'yeux rivés sur eux ne les empêchaient pas de se comporter en maîtres des lieux. Pendant que certains escaladaient le sommet dans le but évident d'obtenir la vue la plus large possible, les autres se regroupaient entre les poutrelles en feu.
Nous demeurâmes un moment, muets et immobiles, à les contempler. Ces dernières heures semblaient irréelles. Alors que nous nous affaiblissions d'heure en heure, alors que toute lutte devenait vaine, une lueur d'espoir apparaissait en terre ennemie. Les nouveaux venus nous portaient secours. La distance ne nous permettait pas de distinguer les traits de leurs visages. Affichaient-ils un air de revanche ? De victoire ? D'amère déception ? Avaient-ils perdu beaucoup d'hommes ?
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Le Miroir du Temps
FantasyQu'y avait-il avant ? L'univers des vivants se résume-il à cette île minuscule ? Existe-t-il quelque chose au-delà de cet immense océan ? Pourquoi l'injustice règne-t-elle en ce monde ? Toutes ces questions, la princesse se les pose depuis longtemps...