La rencontre des rois - 4° partie

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Le ton péremptoire du prince décida Krys à se retourner. Il s'était arrêté non loin de nous, sans me remarquer. De ma position basse, je n'attirais guère l'attention. Invisible à leurs yeux, au moins éviterai-je les avances de Hugo. La distance entre nous et le nord de l'île avait échelonné nos rencontres. Il ne me reconnaitrait sans doute pas. J'avais à peine treize ans lorsque nous nous sommes rencontrés la dernière fois. Pour qu'il ait encore des vues sur ma personne, je devais lui avoir fait forte impression ce jour-là.

Le fait qu'il ne se soit pas mêlé aux autres princes pour me rencontrer n'était pas forcément bon signe. Hugo estimait sans doute ne pas avoir besoin d'entrer en compétition avec les autres courtisans. Je redoutais cette possibilité.

Krys répondit, d'un ton ferme :

— Dis-toi bien que la réputation dont tu parles en prendra un coup. Je te conseille d'oublier ta requête.

— Ça n'arrivera pas !

Ils se jaugèrent un instant. La conversation fatiguait l'ancien gladiateur. Il proposa :

— Dans ce cas, fait venir ton champion, Duncan. Je me battrai d'abord avec lui. Si, après avoir assisté au combat, tu veux encore te battre, je te donnerai satisfaction.

— Faisons donc cela ! fit Hugo, après avoir approuvé de la tête.

Duncan fit quelques pas et les deux protagonistes prirent leurs marques. Attirés par la promesse d'un combat mémorable, les passants s'agglutinaient autour d'eux. La réputation d'Hugo en manière d'escrime n'était plus à faire et celle de Krys s'était répandue en tout lieu après la victoire.

Ils se firent face. Duncan dégaina son épée. Krys semblait attendre.

— Prends ton arme ! ordonna l'aide de camp du prince.

— Je n'en ai pas besoin. Je te mettrais à terre avec ou sans arme.

Mes amis ajoutèrent leurs voix à la surprise de la foule. Les exclamations se turent rapidement. Tous voulaient entendre.

— Ça va être trop facile, bats-toi !

— Je vais me battre. Livre le premier coup.

Décontenancé, le regard vide, Duncan s'impatientait.

— Prends une arme !

Thomas tendit une épée à Krys qui la refusa d'un geste de la main.

— Frappe ! ordonna Krys à son adversaire. » Il attendit, puis ajouta : « J'en assume l'entière responsabilité.

L'homme du nord jeta un regard perdu à son prince puis se décida.

— Tant pis pour toi, hurla-t-il.

Tout en crachant ces mots, il leva son épée au-dessus de sa tête puis la rabattit. Krys attendait, sur le qui-vive. Nous eûmes un mouvement de recul. Au tout dernier moment, alors que la lame aurait dû l'atteindre, il se déplaça si promptement que nous ne parvînmes pas à suivre ses mouvements. J'eus juste le temps, pendant une fraction de seconde, d'apercevoir ses mains posées sur celles de l'officier. Le temps d'après, nous perçûmes un bruit sourd et retrouvâmes celui-ci à terre, la pointe de son épée contre la gorge.

À peine remise de sa stupeur, la foule recula en laissant s'échapper une puissante exclamation. Krys tança son adversaire, jeta l'arme à ses pieds et adressa un regard à Hugo. Ce dernier n'y répondit pas, fixant Duncan toujours à terre, et laissa l'ancien gladiateur s'éloigner, entouré des siens. Ils nous quittèrent si rapidement que je ne pus les retenir. Mon cœur se serra.

Hugo aida Duncan à se relever.

— Quel pleutre. Il a eu de la chance. Il ne veut pas se battre. Peu importe, c'est mieux comme cela, je n'ai pas à me donner en spectacle en m'opposant à un esclave sans talent.

Le Miroir du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant