Enjeux - 1° partie

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Les faubourgs de la capitale en vue, Sara pris la direction du relais. Pas question d'apparaître en guenille aux yeux du peuple. Si la nuit était tombée, la gêne restait la même. Neuf femmes aux vêtements déchirées, il y avait de quoi faire jaser.

L'effarement du chef d'établissement s'évaluait à la mesure de leur apparence. Son métier n'avait pas changé depuis la mort du roi mais il ne s'attendait pas à voir apparaître sa fille en si basse condition. Fatiguée et autoritaire, elle obtint ce qu'elle demanda : deux diligences à destination du château et cochers à disposition.

Devant le palais, l'émoi n'en fut pas moindre. Alors que tous imaginaient la princesse confortablement installée dans ses appartements, la voici sortie de nulle part, à moitié nue, en compagnie de servantes au lustre abimé. De jeunes serviteurs accoururent pour aider ces dames à mettre pied à terre. Allie et Cassy soutinrent la fille du roi par les épaules. Un intendant surgit, essoufflé. Elle n'attendit pas qu'il ouvre la bouche pour exiger la tenue d'un conseil de crise dans les plus brefs délais.

L'infirmerie royale était située au-dessous des étages princiers. En chemin, aux nombreuses personnes qui s'arrêtèrent devant elle, elle ne dit mot, se contentant au mieux d'un signe de tête pressé.

Emma, amenée sur un brancard, fut la première à pénétrer dans l'établissement de soins. Des soignantes prirent rapidement en charge les trois blessées. Après avoir passé un moment avec elles, Sara emmena ses compagnes valides aux bains, juste à côté.

À peine arrivées, la tension se relâcha en elles. Elles se regardèrent. Certaines s'étaient revêtues des restes de manteau. D'autres de pièces de toile ou de cuir issues des tenues des brigands. Des pans entiers de leur anatomie restaient visibles. Elles pouffèrent de rire en se déshabillant.

— Hors de danger, on est hors de danger, lâcha Julia.

On frappa à la porte. Sara, qui n'était plus vêtue que des pièces de sous-vêtements affriolants des ravisseurs, se passa une serviette autour du cou et ouvrit.

— Le conseil de crise est réuni, princesse.

Le jeune intendant se redressa après avoir effectué la courbette d'usage.

Se tournant vers Allie, alors que toutes la regardaient :

— Décrasse-toi un peu, puis va me chercher quelque chose, s'il-te-plaît, quelque part ailleurs que chez moi, à cause du danger. Ensuite, vous vous rendrez dans les appartements de mon père, mais pas avant qu'on vous annonce leur décontamination. Nous logerons toutes là-haut cette nuit.

Ne désirant pas revêtir les vêtements odorants de ses ravisseurs, la fille du roi décida de suivre le jeune homme sans plus tarder. Sa tenue ne la préoccupait guère. Sa beauté lui servirait de parure. Et pourquoi pas, de bouclier.

.oOo.

Arrivé le premier dans la grande salle, Bruce Andleton avait placé quelques gardes alentour, en prévision, ne serait-ce que pour distribuer ses ordres. Il supposait être le principal intéressé et avait accouru. Impossible de faire attendre la princesse dans son état. Il espérait seulement ne pas être en cause dans ce qui lui était arrivé.

Neuf, elles étaient neuf, toutes des femmes. Comment avaient-elles quitté la forteresse ? Pour revenir dans cet état ?

Le petit personnel l'avait prévenu : la fille du roi faisait sa tête des mauvais jours. Elle serait autoritaire et tranchante comme un rasoir. Il s'y préparait.

L'intendant principal, Antoine Weiser, le salua. D'un maintien plus raide que de nature, lui non plus ne savait à quoi s'attendre. Comme Bruce, il avait réuni du personnel pour faire face à une situation de crise. Il prit place non loin de lui.

Le Miroir du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant