Tremblement de terre - 3° partie

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— Ne restons pas là, ordonna ma tante. Ramenons la princesse dans sa chambre, vite !

Entourée de serviteurs, Tante Hélène poussa ma chaise. En passant devant la porte entrouverte, je remarquai quelques soldats appréhender des gardes. Ceux-ci geignaient plus qu'ils ne se défendaient. Je repérai quelques visages aux traits choqués ou fatigués. Krys les avait battus à l'usure, et certainement aussi par la force.

Je grimpais sur mon lit alors que Clément nous rejoignait. Nous restâmes tous les trois, hagards, interdits.

— Ne devrions-nous pas être avec notre père ? demandai-je.

— Pas dans ton état, répondit ma tante.

Comme pour confirmer ses craintes, bruits de pas, injonctions et cris nous parvenaient de toutes parts. Clément dirigeait son regard vers les sons les plus terrifiants.

— Ce sera père, ensuite, ce sera notre tour, prédit-il.

— Le général... gémit Tante Hélène. Maudit soit ce général. Comment a-t-il pu ?

Elle secoua la tête et répéta : « Comment a-t-il pu ? »

Elle se reprit et demanda :

— La garde ne devrait-elle pas... ?

— Elle ne peut rien, répondis-je. Aussi nombreux qu'ils soient, l'armée a investi les lieux.

Je ne partageais pas la peur des membres de ma famille. Cependant, je les comprenais. Krys se devait de destituer le roi, sans quoi, mon père se serait retourné contre lui avec toute la puissance que lui conférait son autorité. Gauthier ne chercherait pas à s'attribuer le pouvoir. C'était un homme loyal qui a attribué sa confiance au seul homme capable de tenir tête au roi et battre les Galiens. Contrairement à ma tante, je me gardais de porter le moindre jugement contre lui.

— Le général a fait payer à mon père sa trahison lors de la bataille de Bladel.

Leurs deux visages se portèrent vers moi, outrés.

— Comment peux-tu ? s'écria Clément.

Je répondis immédiatement.

— Et toi ? Vous nous aviez abandonnés aux mains des Galiens, persuadés que nous allions échouer et disparaître, et pour quoi ? Pour protéger votre fuite ! Vous n'avez pas tenu votre promesse. Vous m'avez abandonnée, moi ! La disgrâce vous a rattrapés ce jour-là, car nous les avons vaincus.

Je venais de répandre en un instant toute la rancœur accumulée dans mon âme depuis le retour de père. Assister à l'ensemble des louvoiements censés les réhabiliter par la suite n'avait fait que nourrir une rancune profondément enracinée. L'obligation de me marier punissait mon honnêteté. Cette amertume lentement stratifiée en couches successives venait d'exploser en un instant.

Ils lurent dans mes yeux vérité et détermination. Ma tante baissa la tête et réajusta les plis de sa robe. Les épaules de Clément s'affaissèrent. Il répéta : « Qu'allons-nous devenir ? »

À cela, je n'avais pas de réponse.

— Je vous protégerai, dis-je doucement, ne vous inquiétez pas.

Ils me regardèrent, se demandant d'où provenait cette soudaine assurance. La naïveté de croire que Krys m'avait soignée pour moi-même m'influençait sans doute. Chacun imaginait que seul le pouvoir l'intéressait. Malheureusement, les événements en cours confortaient leur position. Peu importe, j'avais besoin de me raccrocher à l'idée de le connaître suffisamment pour lire dans ses pas.

.oOo.

L'attente fut longue, l'écoute des bruits environnants nous occupait plus que tout autre chose. Subitement, nous entendîmes des cris et des portes claquer. Je me redressai. Les sens en alerte, d'autres bruits me parvinrent : des pas, une bousculade, des meubles qui s'entrechoquent. Ce vacarme inexpliqué laissait trop de place à l'imagination. Puis, ce fut le silence. Lourd, effrayant. Un calme à peine déchiré par quelques voix lointaines. Le silence reprit ses droits nous laissant dans l'ignorance la plus totale. Mon immobilité me pesait bien plus que ma blessure physique, épaississant le mystère qui planait autour de nous. Je luttai pour me concentrer sur le moindre bruissement, mais ma fatigue reprit le dessus.

Le Miroir du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant