Me défendre ! fut ma première pensée. En temps normal, ma chaise se trouvait près du lit et je pouvais m'y transporter facilement en prenant mes précautions. Le sol, lui, était beaucoup plus bas. Je pourrais sautiller sur un pied mais, par manque d'habitude, je craignais les secousses. Je pris appui sur la jambe valide pour atteindre le plancher et rampai jusqu'à la cuisine. Je m'aidais des meubles et de ma jambe gauche pour tenir debout, puis je saisis un des petits modèles de couteaux à pointe effilée, ainsi qu'une protection en cuir. Pour revenir au lit, je sautillai, attentive au moindre picotement. Tout allait bien et je m'étendis, le couteau bien caché au creux de mes reins. Mes agresseurs croiront avoir affaire à une demoiselle sans défense et je les surprendrai dans leur folie.
Personne ne franchira la porte de ma chambre avant Allie. Elle avait eu la prévenance de m'amener un drap.
— Merci Allie, dis-je pendant qu'elle me recouvrait. Sais-tu ce qu'ils font ? Entends-tu quelque chose ?
Ma servante peinait à répondre. Je lui pris la main.
— Je ne vois pas ce qu'ils font, ils se font servir dans le hall d'entrée et tout se passe dans l'appartement du roi. Mais j'ai peur. J'ai amené des victuailles tout à l'heure alors qu'un d'entre eux mangeait en caleçon. Il m'a demandé pourquoi j'étais habillée et a exigé que j'enlève le peu que j'avais. Ensuite, il s'est approché menaçant, j'ai cru que... mais votre frère est arrivé à temps. J'ai pu m'en sortir indemne.
— Tu as repéré où Clément a placé ma chaise ?
— Non. Vous voulez que...
— Non, ne prends pas de risque inutile. Je suis sûre que tous les accès sont fermés.
— C'est le cas. La nourriture attend chaque matin à la porte et c'est votre frère qui va la chercher. Il l'emmène dans le couloir et nous demande de nous occuper du reste.
— Personne ne peut voir que vous êtes presque nue et qu'il se passe des choses anormales ici ?
— Personne. Il exige que nous ne soyons loin quand il ouvre la porte. Qu'est-ce...
— Un couteau.
— Vous ne voulez quand même pas...
— Bien sûr que si. Je n'attends que ça. Dès qu'ils entrent pour me violer, je les égorge. Maintenant, avec le drap, il sera encore plus facile à cacher.
— Et s'ils entrent à deux ?
— J'en aurais au moins un.
— Mais l'autre peut vous tuer.
— Qu'il essaye ! Qu'il essaye seulement.
— Il s'enfuira peut-être pour aller chercher une arme ? Et vous, vous ne pouvez pas bouger.
— Je sais atteindre une cible à distance. Ne t'inquiète pas.
Allie me regarda, puis ses yeux se posèrent sur le lit. Je l'invitai à s'assoir.
— J'aimerais savoir me battre.
— Comme tu le sais, les riches et les nobles se croient tout permis. Les femmes devraient toutes savoir se battre. En dehors des périodes de guerre, ce sont les nôtres qui représentent un danger. Tu devrais t'entraîner.
— Les seules femmes à savoir se battre sont avec Krys.
— Eh bien, vas-y.
— Mais... C'est lui qui a tué votre père.
— Tu n'iras pas pour moi, mais pour toi.
— Les châtelaines vont me critiquer.
— Tu diras que c'est moi qui l'ai exigé.
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Le Miroir du Temps
FantasyQu'y avait-il avant ? L'univers des vivants se résume-il à cette île minuscule ? Existe-t-il quelque chose au-delà de cet immense océan ? Pourquoi l'injustice règne-t-elle en ce monde ? Toutes ces questions, la princesse se les pose depuis longtemps...