La troupe - 2° partie

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Un croassement tira Servane de sa rêverie. Un oiseau noir, inconnu en terre galienne, la survolait. Elle étudia à nouveau le paysage. Depuis l'invasion, de longues années de paix s'étaient succédé et la forêt réapparaissait par endroits. Pour autant, la troupe traversait, en ce moment, une vaste plaine semi-aride bordée de lointaines collines. Des conditions idéales pour se faire repérer, pensa-t-elle. Heureusement, leur objectif était si proche qu'ils ne cherchaient plus à éviter d'éventuelles patrouilles. À ce jour, près d'un an s'était écoulé et ils pouvaient s'attendre à ce que la colère des Galiens soit passée.

Krys apparut au loin. Elle pressa le pas. Plusieurs fois par jour, il opérait la jonction avec les éclaireurs. Elle aimait le voir aller et venir. On eut dit un cavalier libre comme le vent. Selon Noah, cette tâche ne lui revenait pas. Il incombait aux éclaireurs d'envoyer périodiquement l'un d'entre eux renseigner le reste de la troupe. Le jeune homme s'interrogeait néanmoins sur la faculté de leur chef à les retrouver si aisément et sur la capacité de sa monture à supporter ces allers-retours fréquents en sus de leur trajet quotidien.

Elle estima l'allure de Krys – rapide, trop rapide – signe de complication. Que se préparait-il ? L'angoisse l'étreignit. S'il y avait un lieu où les Galiens pouvaient encore les atteindre, c'était bien ici. À la limite de leur territoire, toutes les routes convergeaient vers un isthme, seul point de passage entre les deux parties de l'île. Sur ce pont naturel, une étroite bande de terre rocailleuse, avait été bâti un fort, gardien séculaire de la Terre des Hommes.

Elle chercha à se représenter les environs selon le croquis dessiné par Noah sur le sol sableux. En principe, le fort devrait se trouver devant eux. La colline qui leur barrait la route masquait leur objectif. Passé cet obstacle, l'isthme et ses promesses devrait apparaître, encadré de deux bras de mer de la largeur d'un fleuve.

Pour ajouter à son inquiétude, la vue se trouvait bouchée sur sa droite par une autre colline, perpendiculaire à la première. Ces deux hauteurs les encadreraient bientôt sur deux côtés pour offrir un poste d'observation privilégié à d'éventuels gardes-frontière. Elle se voyait s'enfoncer dans une nasse facile à refermer. Située en contrebas, la troupe s'exposerait à une attaque. Il leur faudrait se décider, et vite.

Bientôt, si tout se passait favorablement, ils bifurqueraient légèrement sur leur gauche de manière à contourner la masse vert-ocre qui leur faisait barrage. Elle espérait entrevoir un des bras de mer rapidement. Il signerait le terme de leurs craintes.

L'eau turquoise, frontière ultime du territoire ennemi, leur objectif, leur quête depuis toujours.

Dans des dispositions très différentes des siennes, d'un clin d'œil, Noah la dépassa jusqu'à rejoindre le groupe de tête.

— Devinez ce que cache la hauteur devant nous.

Sa bonhommie la rassura ; elle le rattrapa.

— Le passage ? suggéra Markus. On y est ?

— L'isthme ! L'Isthme de Bladel. L'espace devant nous est notre dernière ligne droite ! Le fort est occupé par les nôtres. Préparez-vous. C'est la liberté, les amis !

À cette nouvelle, un moment de silence s'établit entre eux. Ils se dévisagèrent. Ils étaient arrivés. Thomas se retourna. Les ruines du château avaient depuis longtemps disparu. Très éloignées, les cités galiennes semblaient appartenir à un passé révolu. Une page se tournait. Une nouvelle vie les attendait.

— Cette colline semble praticable, avança Hector. Plutôt que de la contourner, je propose que nous avancions droit devant. On devrait apercevoir la Terre des Hommes au sommet.

À cet instant, Krys les rejoignit. Son air soucieux vint assombrir leur horizon dégagé.

— Détrompe-toi, corrigea-t-il, il est préférable de la contourner.

Le Miroir du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant