Derrière les gravats - 2° partie

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Krys et Jérôme m'avaient laissée à quelques pas de l'entrée de la grande salle qui nous servait d'abri ou de réfectoire en temps de pluie. Les quelques marches qui y menaient m'offraient une vue imprenable sur la bataille en cours. Seul le côté droit m'échappait, masqué par la masse du bâtiment où se trouvait aussi ma chambre.

Je cherchai notre général. Comment réagissait-il à l'arrivée des renforts ? Absent de mon champ de vision, je m'intéressais à eux. Il ne me fallut pas longtemps pour découvrir qu'ils suivaient deux objectifs précis : éradiquer les archers ennemis et venir en aide aux soldats du front.

Les coups de boutoir des catapultes et des béliers avaient fait s'écrouler la façade avant du fort. Devant moi ne subsistaient que ruines et désolation. Nous n'étions toutefois pas sans protection. L'ennemi peinait à atteindre les nôtres. Les assaillants perdaient parfois l'équilibre sur les gravats dès le premier choc. Dorénavant, une bonne centaine d'archers repéraient nos soldats en difficulté et se chargeaient de leurs adversaires.

Les chiens, qui avaient été rappelés après mon déplacement, semblaient guidés par un guerrier précis. Lorsque plusieurs ennemis survenaient face à un défenseur, il les lâchait sur eux. Bien plus à l'aise au milieu de la rocaille, ils les déséquilibraient et les blessaient d'autant plus facilement. J'assistais au saut d'un chien-loup. Dans sa chute, le guerrier touché se fracassa le crâne contre les gravats. D'autres, alourdis par leurs cuirasses, peinaient à se relever, un temps suffisant pour que le rapide malinois les blesse à la main, au cou ou au visage. Touchés, les blessés abandonnaient leurs armes et s'éloignaient des combats en rampant.

Conscients du danger que représentaient les archers de Krys, ceux de l'ennemi reçurent l'ordre de les éliminer. Un changement de stratégie si brusque que je le remarquai. Heureusement, je ne fus pas la seule. Repérés par leurs tirs, ils devinrent eux-mêmes la cible des humains. Moins habiles et dépourvus de protection, ils furent promptement exterminés. Impressionnée, j'en cherchai la raison. Les arcs des renforts semblaient plus maniables, plus précis et le jet disposer de plus de force. Une de leurs flèches se planta dans un bouclier galien. Elle s'y enfonça profondément. Noire, elle semblait entièrement formée de métal.

Par-dessus tout, les archers alliés me donnaient l'impression de se battre avec une remarquable intelligence. Ils cherchaient sans cesse la faille dans le système défensif de l'ennemi. Le bon angle repéré, le guerrier visé tombait immanquablement. Nos soldats, exténués par trois jours de combats, recevaient un soutien bienvenu qui leur permettait de récupérer.

.oOo.

Avec la plus grande difficulté, je commençai à nettoyer mes blessures lorsqu'un mouvement m'intrigua. Je me retournai et, remarquai, surprise, un petit être au pelage brun-gris et au ventre blanc marchait à pas lent. De la tête blanche de cet animal au charme surprenant ressortaient deux yeux étonnamment cerclés de noir, un museau et un haut de crâne eux aussi très sombres. Sa queue, très longue, peut-être deux fois sa taille, se dressait fièrement vers le ciel. Elle arborait les couleurs de son corps, sous forme de petits cercles concentriques se succédant les uns aux autres. Il avançait à quatre pattes, mais ni à la manière des canidés ni des félins. Ses membres inférieurs, bien plus développés, se pliaient à l'exercice sans contrainte. Avais-je affaire à une sorte de singe ? Mais les singes ne se déplacent pas aussi aisément à quatre pattes.

Apparu sur ma gauche, tout comme Krys et son équipe, il cherchait quelqu'un. S'arrêtant brusquement, il regarda autour de lui, de plus en plus effarouché. À chaque fracas, il se contractait, prêt à quitter les lieux précipitamment. Partagé entre l'idée de rejoindre son maître ou prendre la fuite, son corps exprimait sans cesse les soubresauts provoqués par la peur.

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