Sara hébergeait la troupe, le temps que chacune se remette de ses blessures. À la mort du roi, les membres principaux de la famille s'étaient réfugiés dans les royaumes amis et la place ne manquait pas au sein des appartements royaux.
Avides de nouvelles, ses amies d'enfance ne tardèrent pas à donner l'assaut. Trois mondes se côtoyèrent, le temps d'apprendre la vérité : nobles, servantes et prostituées. Persuadées d'être victimes de ragots, installées comme lors du club de lecture, elles s'étonnaient de la véracité du récit. Toujours sous l'influence des ménestrels, Julia et Lucette racontaient et mimaient à merveille. Estelle et ses proches, habituées à échanger sur le roman de Sara, écoutaient cette fois une toute autre histoire, une histoire récente et sombre qui, par bonheur, avait trouvé fin heureuse.
Cécile, Estelle, Sandrine, parmi les plus jeunes, furent invitées à tester la difficulté du parcours à cloche-pied, ainsi, elles s'assurèrent qu'elles aussi auraient réussi à vaincre les brigands !
De cette période, la princesse retiendra deux éléments. Ensemble, le temps de reconstruction se réduit, fut la première d'entre elles. La seconde se concrétisa dans l'exploration de sujets rarement abordés.
Ce jour-là, Sara était entourée de ses amies. Allie servait le thé. Toujours sous le coup de l'émotion, sans y penser, Estelle lança le débat.
— Où qu'on aille, on ne parle que de ce qui vous est arrivé. Ça se termine toujours de la même façon : tous se demandent comment ces choses peuvent se produire de nos jours. Comment des humains peuvent atteindre un tel degré de méchanceté ?
Cécile approuva son amie.
— C'est vrai, confirma-t-elle. J'entends ce questionnement depuis deux jours.
— Et personne n'a de réponse, lâcha Sandrine.
— Y en a-t-il une ?
— Ce ne sont que des parasites, cracha Sandrine. Ils vivent sur le dos des autres. Des sangsues.
Ce qui était arrivé à Sara représentait un danger qui les concernait toutes. Estelle gronda :
— Il faut les éradiquer.
Le roi devrait envoyer ses brigades, voulut-elle ajouter avant de se reprendre juste à temps. Que ferait le nouveau dirigeant ? Nul ne savait.
Lucette, jusqu'alors intimidée par ces membres de la haute société parées de somptueux atours, ne put s'empêcher d'intervenir.
— C'est ce que nous avons fait ! Nous les avons éradiqués.
Il n'y avait pas meilleurs rapporteurs que les témoins eux-mêmes, aussi Estelle apprécia l'intervention à sa juste valeur. Elle sentait ces roturières impressionnées par sa hauteur de vue. Heureusement, le sujet de conversation en cours leur permettait de participer. Il lui arrivait de chercher à comprendre ce que disaient et pensaient les gens ordinaires. À condition, bien sûr, de ne pas se mêler trop près de leurs affaires. Histoire de ne pas se retrouver éclaboussée. Ces femmes du commun étaient parvenues à mettre à mal un réseau de malfaiteurs à elles seules. Cela la dépassait.
— Et vous l'avez bien fait, reconnut-elle.
Elle fixa un de ses ongles vernis.
— Quelqu'un a-t-il une réponse valable ? demanda-t-elle. Comment, eux, font-ils pour aller si loin dans... » Elle chercha le mot juste. « Dans le mal ?
Sara s'amusait à observer ses compagnes. Généralement, chacun évitait les questions de ce type, de sorte que, lorsqu'elles étaient abordées, aucun ne se trouve devant le fait accompli. Lors d'événements graves, la réceptivité augmentait, les thèmes de fond ressurgissaient. Il s'agissait-là d'occasions à ne pas manquer, car l'attention dérivait rapidement sur d'autres sujets. Cette porte ouverte sur l'entendement représentait un événement si rare qu'il ne devrait jamais être négligé. Mis en lumière, les éléments importants inviteraient au changement.
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Le Miroir du Temps
FantasyQu'y avait-il avant ? L'univers des vivants se résume-il à cette île minuscule ? Existe-t-il quelque chose au-delà de cet immense océan ? Pourquoi l'injustice règne-t-elle en ce monde ? Toutes ces questions, la princesse se les pose depuis longtemps...