— Je vois ce que tu voulais dire par « tenue légère », ma tante. J'aime cette tenue. Je suis vraiment bien dedans, elle est très jolie, mais tu as encore été optimiste avec le décolleté. Et c'est vraiment très près du corps.
— Tu feras ce que tu voudras la bague au doigt, ma chérie. En attendant, c'est moi qui te marie.
Le mariage ! Être libérée de la tutelle parentale ne signifiait pas devenir libre. Tout dépendait du mari. Il se disait qu'un mari volage pouvait fort bien représenter le meilleur parti possible. Il tairait ses frasques en laissant son épouse se comporter ainsi qu'elle l'entendait. Une manière pour ces dames de transformer échec, malheur et adversité en opportunité. Le tout consistait à profiter du cran nécessaire, voire de l'étincelle salvatrice, de celles qui évitent de s'enfermer indéfiniment dans le marasme et l'humiliation.
Le repli sur soi, un piège dont, curieusement, l'ego finit par se nourrir, telle une puissance de destruction.
— Et tu crois que tous ces jeunes gens vont s'en plaindre ?
— Non, s'ils savaient que tu en es responsable, je crois qu'ils te béniraient. Mais moi je ne te bénis pas ! clamai-je, simulant l'indignation.
— Tu me remercieras le jour de ton mariage. Tu verras.
Ma tante me conduisit vers la grande salle jouxtant le balcon de la façade sud. Princes et princesses s'y trouvaient déjà.
— Je t'abandonne ici, c'est ton moment, pas le mien.
— Merci ma tante, dis-je, en parvenant à saisir son poignet en signe de gratitude.
— Ça me fait chaud au cœur, je t'embrasse. Profite !
Elle me laissa à vingt bons pas des premiers princes. Tapie dans l'ombre d'une colonnade, aucun n'avait remarqué ma présence. La lumière platinée de fin de matinée illuminait le cercle des prétendants. Leur noble allure, nullement ternie par la décontraction de leur tenue, éveilla mon intérêt. Me faudrait-il vraiment choisir l'un d'eux ? J'ai toujours rêvé de l'évidence qui me frapperait lorsque je le verrai. La réalité me plaçait devant un choix exigeant.
J'avais rencontré Krys et ne désirais nul autre. Quelqu'un d'autre que moi aurait dû naître princesse.
Je les épiais. L'un d'entre eux, peut-être...
Sans que ma volonté en soit la cause apparente, mes bras emmenèrent ma chaise dans leur direction. William fut le premier à remarquer ma présence. Il vint vers moi, confiant, comme à son habitude et me poussa vers les autres. Les conversations se tarirent. Après quelques échanges, je proposai à tous le tutoiement. Puis, je leur demandai :
— Êtes-vous là depuis longtemps ?
— Les filles oui, nous on vient d'arriver, répondit Owen.
— Aux prochaines réunions, annonça Robb, pendant que nous nous amuserons, les souverains resteront entre eux. Nous sommes donc libres comme l'air dès maintenant.
— Que s'est-il dit en mon absence ?
— Nous avons parlé de la victoire et de ses raisons, répondit William. Ton père s'est vu copieusement félicité.
Robert mentionna l'intérêt porté aux nouvelles armes. Invité un court moment, le général Gauthier avait amené arcs, arbalètes, épées et cuirasses. Chaque souverain et prince avait tenu en main, tour à tour, des équipements susceptibles de les rendre hors d'atteinte des Galiens. Mon père avait alimenté le mystère, feignant d'en connaître les procédés de fabrication.
— Comment nomme-t-on ce type d'arc, déjà ? s'enquit Robb.
— Des arcs composites, répondit William.
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Le Miroir du Temps
FantasyQu'y avait-il avant ? L'univers des vivants se résume-il à cette île minuscule ? Existe-t-il quelque chose au-delà de cet immense océan ? Pourquoi l'injustice règne-t-elle en ce monde ? Toutes ces questions, la princesse se les pose depuis longtemps...