L'enlèvement - 5° partie

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Mais il y avait pire. Allie nous le fit remarquer : « Que se passerait-il si aucun des trois n'ouvrait la porte ? »

La question jeta un froid parmi nous.

— Que sont-ils en train de faire ? demanda Emma.

— Ne t'inquiète pas, ils ne tiendront pas longtemps. Ils vont bientôt avoir envie de chair fraiche. Et c'est actuellement le seul moment où ils n'ont pas à partager avec les autres. Mais... Attendez !

J'entendis la porte d'entrée claquer. « Il y a du mouvement », dis-je. Puis : « Ils se saluent. Il s'agit de nouveaux arrivants. »

— Combien ?

— Je ne sais pas. Ils ne sont pas nombreux.

— C'est fichu !

— De toute façon, ne faites rien avant mon signal. Mais s'ils sont plus de trois, oui, ça fait beaucoup.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit et laissa passer cinq hommes. Sûrs d'eux, aucun ne tenait une arme dans les mains. Néanmoins, le poignard qu'ils arboraient à la ceinture ne nous laissait aucune chance. Deux d'entre eux nous étaient inconnus. Deux groupes distincts avaient donc réussi à se retrouver. La situation se dégradait. Mon plan tombait à l'eau.

Vendue à un puissant négociant ? À un prince ennemi ? Prostituée à vie ? Ces pensées se succédaient aussi révoltantes que les autres.

Les deux nouveaux protagonistes nous détaillaient comme s'ils évaluaient le prix de babioles de luxe. S'agissait-il d'acquéreurs ? Ou de simples collaborateurs ? L'un d'eux semblait dominer les autres. Habillé élégamment, compte-tenu des circonstances, il portait un chapeau noir et une tenue elle-même très sombre. Était-il le chef du groupe qui devait nous rejoindre ? Avait-il amené les carrioles censées nous emmener ? S'ils n'étaient que deux, elles étaient sans doute loin d'ici et les autres cherchaient un moyen de les faire approcher. À moins qu'elles ne soient bloquées par la tempête et que ces deux-ci se soient déplacés pour communiquer avec le groupe des ravisseurs. Une option plausible au regard des événements.

Ils nous inspectèrent une à une, de haut en bas. Rien ne leur échappait. Leurs mains ne restaient pas dans leurs poches. L'homme en noir s'attarda particulièrement sur Allie. Son second considérait chaque geste comme une invitation à agir de même. Je n'eus pas le temps de plaindre ma servante qu'ils étaient déjà sur moi. L'homme en noir demanda :

— C'est elle ?

— Oui. C'est la fille du roi défunt, répondit un des trois brigands.

— Sans son souverain de père, elle n'est plus rien. Avec nous, elle va retrouver toute sa valeur, ricana-t-il. Elle a besoin de nous.

Ses yeux parcoururent mon corps. Je n'étais qu'une simple marchandise à ses yeux. Le regard lumineux et décidé, il s'apprêtait à prendre une décision me concernant. Il se tourna vers le groupe des ravisseurs.

— Nous n'avons pas beaucoup de temps. Préparez-là. Son attitude révèle ce qu'elle est. Une femme insoumise, capable de mordre si elle pouvait. Otez-lui cette envie, puis attachez-là et appelez-moi. Nous disposons d'un court délai pour la rendre acceptable. À ce que je vois, mieux vaut ne pas traîner.

Deux hommes se baissèrent, firent glisser mes bras le long de leurs épaules et me soulevèrent. Celui de gauche était borgne et l'autre, affublé d'une cicatrice qui lui barrait le visage. Dès que nous atteignîmes la pièce principale, je me moquai :

— Ces cicatrices, ce sont des prisonnières qui vous les ont faites ?

— Tais-toi chérie, répondit le borgne. On va t'enlever toute envie de médire, prends patience.

Le Miroir du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant