BEWARE !

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Le photographe qui devait s'occuper de prendre les photos d'illustrations pour mon interview était ce qu'on peut appeler un... Perfectionniste. J'ai dis ça pour ne pas dire psychopathe.

Il commença par me bombarder dans la pièce même où avait eu lieu l'interview, me prenant sous toutes les coutures, me demandant parfois de décaler une main, une jambe ou un bras de quelques centimètres à peine... Sur la plupart des photos, j'avais une expression un peu ahurie, toute timide et peu habituée à ce genre d'attention que j'étais. Derrière le photographe, Paul me faisait de petits pouces en l'air pour m'encourager ; grâce à lui, j'affichais un sourire attendri sur quelques photos, pour le plus grand plaisir du photographe. Il trouvait que cette expression tendre, ce joli sourire et ces joues roses iraient bien avec la description que son collègue lui avait fait de moi ; même description qui finirait dans l'article et que vous avez lue au chapitre précédent... Mais bien sûr, à l'époque je n'en savais rien et je ne pus donc empêcher ce qui devait arriver ; je me contentais de sourire bêtement lorsqu'il me faisait part de sa satisfaction...

Au bout d'une heure, je crus que le photoshoot prenait fin lorsque le photographe récupéra son matériel...Mais visiblement, la centaine de photos qu'il venait de prendre en intérieur ne le satisfaisait pas ASSEZ et le photographe eut tôt fait de m'embarquer en extérieur, trépied sous le bras, pour me bombarder une nouvelle fois.

Seul Paul me suivit pour poursuivre la séance : les autres avaient d'autres obligations et je les saluais brièvement à la sortie de l'immeuble, tandis que le psychopathe (oui cette fois-ci, je le dis !) m'entraînait derrière lui.

Il me demanda toutes sortes de folies : des photos assise sur une fontaine, installée à un banc, marchant devant lui, des prises de profil, de face, et même de derrière...
Les gens autour de nous me lancaient souvent de drôles de regard en me voyant poser ainsi en public, et une petite foule se formait parfois autour de nous alors que je me trouvais forcée de me mettre dans des positions absolument pas naturelles...

Paul me soutenait du mieux qu'il le pouvait, à grands renforts de sourires et de pouces en l'air qui étaient les bienvenus dans ma situation ! Je lui en étais vraiment reconnaissante ; grâce lui, je trouvais la force de continuer mes poses ridicules.

Mais au bout d'une heure, assoiffée, je suppliais qu'on me laisse m'acheter une petite bouteille de jus de fraise afin de me désaltérer un peu.

C'est là que le photographe eut la très bonne idée (non, ce n'est pas ironique) de dégainer son appareil photo ; je le regardais du coin de l'oeil, sirotant mon jus de fraise à la paille, alors qu'il prenait une nouvelle rafale de photos.
Il me montra le résultat sur l'écran, et pour une fois je trouvais que
ce n'était pas trop mal ! Sans m'en rendre compte, j'avais esquissé un petit sourire en coin alors que je buvais mon jus de fraise, ce qui faisait ressortir mes petites fossettes. La luminosité faisait briller mes cheveux blonds, scintiller mes yeux gris et mes joues en étaient légèrement rosies...

Paul eut un joli petit sourire en voyant la photo, et ne put s'empêcher de commenter en Allemand :

„So süß, Goldlöckchen..."

Cela faisait à présent plusieurs mois que je vivais en Allemagne, et j'avais déjà acquis pas mal de vocabulaire ; je compris donc exactement ce qu'il venait de dire, et je me mettais à rougir furieusement sans pouvoir me contrôler. Un peu gênée de ma propre émotion, je me détournais en faisant mine d'avoir aperçu quelque chose.
Son compliment me faisait plaisir, bien sûr... Mais je ne m'expliquais pas ma réaction -légèrement disproportionnée !
Nan, mais sérieux... Se transformer en tomate pour un simple petit compliment, vous y croyez, vous ?
Moi, en tout cas, je refusais d'y croire et me persuadais toute seule que l'effort était la cause de mes joues chauffantes (ouais, c'est nul comme excuse...).

Bien sûr, cette jolie photo fut choisie pour l'article, ainsi qu'un des clichés prit en intérieur, une prise de profil et un plan de moi marchant avec détermination en direction du photographe.

Lorsque les autres membres virent les photos, ce fut la déferlante de vannes ! J'en riais beaucoup, bien sûr. Richard me taquina sur le sourire que m'avait provoqué Paul sur la photo en intérieur et Ollie rit beaucoup en me voyant toute petite sur le banc qui paraissait immense, rapidement rejoint par Doom. Till, quant à lui, fit très fort : il se saisit du magazine, dégaina ma photo sirotant mon jus de fraise, et brailla de sa grosse voix rocailleuse :

„BEWARE OF THE NEW RAMMSTEIN MEMBER !!!"

Tout le monde éclata de rire, même moi.
Beh vi, quand vous travaillez avec cinq hommes, surtout CES hommes-là, vous avez intérêt à avoir le sens de l'autodérision !

Alors que nous riions, je me tournais naturellement vers Paul, qui m'adressa alors un petit clin-d'oeil complice. Je sentis un bond dans ma poitrine, et je détournais immédiatement le regard.

Okay, Paule...

Y'a un truc qui va pas, là.

Comment j'ai fais ? [RAMMSTEIN] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant