Sie ist lustig !

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„... Et qu'est-ce que tu lui as répondu ??" m'interrogeait la voix de mon père au travers de mon téléphone, que j'avais laissé en haut-parleur sur mon lit.

„J'ai paniqué, p'pa..." soupirais-je, tout en pliant soigneusement mes affaires de sport pour les ranger dans l'armoire... Très modeste, au passage. Bon, après tout, je ne faisais pas partie du groupe, il aurait été étrange que je sois logée dans un palace ; de plus, je n'avais rien à payer, alors je n'étais pas en droit de me plaindre !
Mon père,
au travers du téléphone, n'en démordait pas et me posa une nouvelle fois la même question :

„Beh.. Alors ? Tu as dis quoi ??"

Je soupirais encore une fois. Je SAVAIS qu'il allait se moquer !

„J'ai dis que tant que MOI je n'étais pas en feu, ça m'allait... Et il m'a repondu qu'il pourrait me trouver une tenue inflammable."

J'entendis mon père éclater de rire, et me surprit à esquisser moi-même un petit sourire amusé. Bon, d'accord, c'était assez drôle. Au bout d'une heure d'appel et lorsque j'eus complètement terminé de raconter (deux fois) ma journée en détail, nous raccrochâme et je me retrouvais seule avec mes pensées.

Cette journée avait été aussi terrifiante que merveilleuse, remplie de nouvelles expériences, de surprises et d'épreuves que j'avais dû affronter seule. Rendez-vous compte : avant tout cela, j'étais une étudiante lambda et assez timide, entourée de quelques amis proches, pas populaire pour un sou et très satisfaite de ma condition. Et là, j'étais peut-être sur le point de me confronter à un monde qui n'était pas le mien ; la célébrité, l'argent, l'abondance... Au fond, cela me terrifiait !
Mais, ce soir, j'avais un sourire béat aux lèvres alors que je me laissais tomber sur ce petit lit simple dans cette petite chambre aux murs dénués de décoration. J'étais folle de bonheur et je n'allais pas laisser ces mauvaises pensées me gâcher ce précieux moment...

Il y avait cependant quelque chose qui me tracassait toujours, malgré tout ce que j'avais pu accomplir jusqu'ici : POURQUOI avais-je été selectionnée ?
Mon père avait beau me répéter que j'en étais arrivée là grâce à mes talents au synthétiseur et sur le trapèze, je continuais à penser qu'il y avait autre chose.

... Bon.

Je ne sais pas si je suis censée vous dévoiler cela maintenant, mais j'imagine qu'il faut bien le faire à un moment donné.
J'ai appris, il y a peu, la réelle raison de ma sélection le jour de l'audition. Bon, certes, mon niveau au synthétiseur y était pour quelque chose, mais il y avait BEL ET BIEN quelque chose d'autre ! Et depuis cet instant jusqu'à la semaine dernière, j'ignorais encore de quoi il s'agissait.
J'eus droit, de la bouche de Paul Landers lui-même, à une reconstitution du dialogue qui eut lieu entre les membres du groupe après mon départ de la salle d'audition. Je vous l
e retranscris ici, en français bien évidemment, aussi fidèlement que possible :

Je venais à peine de sortir de la salle, et Flake rebouchait tout juste le marqueur qu'il avait utilisé pour signer mon synthétiseur.

Elle est marrante !" Avait fait remarquer Landers, qui s'était beaucoup amusé pendant mon entretien.

„Oui" Approuvait le batteur, „Moins folle que celle d'hier."

A ce souvenir, Paul se mit à rire. Oui, apparement, la nana qui était passée la veille de mon audition leur avait fait un sacré numéro : elle s'était mise à pleurer, avait frôlé plusieurs fois un malaise, et s'était trouvé incapable de jouer correctement sous l'émotion. Ils avaient finit par la faire évacuer, de peur qu'elle ne fasse une syncope... Moi qui avait peur de passer pour une fangirl, finalement je m'en sortais très bien.
M'enfin, revenons à nos moutons :

„Elle est française, non ?" S'intéressait Richard, pendant que Till relisait les notes qu'il avait prises sur mes réponses à leurs nombreuses questions.

Elle est jeune ! Elle a, aller... 19 ans ?" S'étonnait Oliver Riedel, le bassiste. Bon, je ne peux pas lui en vouloir. Avec ma petite taille, je fais souvent plus jeune que mon âge... Et je déteste ça, d'ailleurs.

„24 ans." Corrigeait distraitement le chanteur. Merci, Till !

„Ouais. C'est très jeune... Est-ce qu'on peut risquer d'engager quelqu'un d'aussi jeune ?" Reprenait Oliver, et Flake lui répondait immédiatement :

„Jeune ou pas jeune, elle est excellente au synthétiseur." Anw Flake, grand flatteur...

„On parle d'une tournée, là ! On peut pas prendre le risque qu'elle nous lâche." Fit Oliver, qui fut alors appuyé par le batteur. Je crois qu'ils étaient tous un peu déconcertés par mon âge, à ce stade-là.
C'est là qu'intervint Till
grand maître en pyrotechnique du groupe, et je crois que si j'avais entendu cette idée avant de sortir de la pièce, j'aurais définitivement fuis le pays et n'aurait plus jamais mis un pied en Allemagne pour le restant de mes jours :

„Imaginez-la sur son trapèze, sauter au milieu d'un cercle de feu pour atterir sur un autre trapèze face au public... Ou à faire des figures sur un cerceau, entouré d'autres cerceaux enflammés..."

Je crois que personne ne trouva quoi répondre à cette proposition (moi-même, je serais restée sans voix !) alors il poursuivit :

„Elle serait toujours un peu... L'air sauvage, vous voyez ? Ca va avec ses cheveux. Un peu hystérique, à bouger dans tout les sens... Avec du maquillage dégoulinant et un look de poupée brûlée. Pendant les moments où elle ne joue pas, elle viendrait me narguer, et je la maltraiterais ! Elle est tellement petite, je pourrais la porter comme je veux... "

C'est là qu'intervint Richard :

„On ne risque pas gros avec les associations féministes...?" S'inquiéta-t'il, à juste titre d'ailleurs. Une nana dans un groupe de mecs qui se fait sans cesse frapper et maltraiter, il y aurait de quoi lancer une énorme polémique, surtout quand on connait toute les rumeurs qui ont circulé à leur sujet pour bien moins que ça...

„Hé, les fans nous aiment aussi parce qu'on provoque." Rappela Till, et Richard hocha la tête, sans toutefois cesser de froncer les sourcils, songeur.

Il faut voir ce qu'elle vaut sur son trapèze. On la retient, et on la teste ?" Interrogea Till, et les membres s'échangèrent des regards un peu confus.

„Elle est jeune, oui." Reprit Till, qui se doutait d'où pouvait venir leur hésitation. „On va la tester, okay ? On va la mener à bout... Et on verra ce qu'elle a dans le ventre. Okay ?"

Il n'y avait rien de définitif dans cette décision, alors Flake, Oliver, Christoph, Paul et Richard approuvèrent.

Voilà, maintenant vous savez. En dehors du synthétiseur et du trapèze, ils m'ont selectionnée pour provoquer les organisations féministes, parce que j'ai l'air sauvage avec mes cheveux, je suis si ridiculement petite que j'ai l'air d'une poupée décoiffée qu'on peut „porter comme on veut" selon Till, et parce que je suis „marrante", merci Paul.

Oh, quant aux fameux tests que j'allais subir... J'en garde toujours un souvenir piquant.
Pour vous donner une petite idée de l'enfer que j'ai vécu : leur but était bien de me pousser à bout ou, en d'autres mots...

De voir si j'allais finir par les fuir ou non.

Comment j'ai fais ? [RAMMSTEIN] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant