Chapitre 2 : Lame forgée (1/2)

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   En quelques foulées énergiques, Darian finit par arriver devant l'atelier. Celui-ci était constitué d'un grand cabanon aux murs blanc cassé ainsi que d'un préau de bois de bonne envergure sur le côté. C'était sous ce dernier qu'il aurait le plus de chance de trouver son père. Les pièces du cabanon ne servaient qu'à entreposer ou exposer les réalisations de Diméter Allister pour impressionner les clients. Le préau était l'endroit où il passait le plus clair de son temps à la forge, près de ses outils et du foyer principal.

   Darian enjamba sans difficulté la clôture qui entourait la bâtisse et se précipita vers le préau. Se rapprochant, il pouvait déjà entendre le son du marteau martelant le fer sur l'enclume. Le jeune homme pénétra dans l'atelier avec une heure de retard.

   Son père se tenait de dos devant lui, s'affairant à grand coup de massue sur sa réalisation. Chacun de ses coups faisait vibrer le fer rougi, des débris métalliques se détachant de la lame par la même occasion. Diméter était un homme de carrure imposante, tel un bœuf aux muscles saillants et puissants. De la sueur émanait de l'arrière de son crâne rasé ainsi que de ses larges épaules dénudées. C'était de lui que Darian tenait sa grande stature. Son père redoublait d'effort, donnant plus de puissance à chaque nouvelle frappe qui percutait le fer.

   — Te voilà enfin, garçon. Il est tard. Je me suis permis de commencer sans toi.

   Le ton était sec et autoritaire mais dénué de toute forme de réprobation. Une voix caverneuse énonçant simplement un état de fait.

   — La cémentation de ta lame devrait être terminée. Enfile des gants de protection ainsi que le tablier qui se trouve sur la caisse en bois. Prends la pince et retire la lame du foyer. Ensuite réalise la trempe.

   — Je m'y mets de suite père.

   Darian attrapa la paire de gant, noua le cordon du tablier dans son dos et se mit de suite au travail. Le jour promis était enfin arrivé, il en était certain. L'apprenti forgeron se rapprocha du foyer ardent, une intense chaleur saisit alors ses tempes, l'odeur âpre de la fumée et du charbon irritèrent ses narines. L'imposante cheminée en pierres taillées se tenait devant lui, crachotant des gerbes d'étincelles lumineuses.

   Le jeune homme prit la pince métallique fermement en main, saisit l'extrémité de la lame et la retira du fourneau. Il se dirigea ensuite vers le grand bassin, destiné à la trempe des lames de plus d'un mètre vingt.

   Pour lui cette étape du forgeage avait toujours fait partie de ses moments favoris, produisant un phénomène spectaculaire à ses yeux lorsque plus jeune il venait observer le travail de son père. A l'époque il prenait son père pour un véritable magicien, capable de dompter le flot mortel des flammes de la forge, de canaliser leurs forces destructrices pour en extraire des merveilles. Aujourd'hui à son tour il allait réaliser de ses propres mains une lame Allister.

   Darian leva bien haut la lame rougie par la chaleur de la forge et l'enfila perpendiculairement dans le bassin circulaire en forme de gros tuyau. Une nuée de flamme orangée jaillit du bassin tandis qu'il plongeait au fur et à mesure la lame incandescente dans l'huile chauffée, provoquant un crépitement fort agréable à ses oreilles. Il la maintint en place pendant un instant à la fois ni trop court ni trop long, juste le moment adéquat pour réussir la trempe de la lame

   Le jeune homme retira la lame et la posa contre l'une des enclumes de l'atelier afin de l'examiner. La lame de l'espadon était ridiculement gigantesque, forgée avec attention mais ressemblant plus à une énorme plaque de métal qu'aux fines rapières de son père. En effet elle était loin d'être parfaite à ses yeux, il ne pouvait s'empêcher d'en remarquer les nombreux défauts, mais dans un certain sens elle était la parfaite représentation de son être. Peu importe, son travail était loin d'être terminé après tout. Le jeune homme passa ensuite un coup de brosse méticuleux sur sa création afin d'ôter les aspérités qui résultaient de la trempe.

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