Lame D'Azur

Chapitre 3 : La Mine-aux-Murmures

    Cela faisait presque une bonne dizaine de minutes que les deux hommes avaient quitté la forge des Allister. Marchant en ligne droite vers l'est jusqu'à présent, ils avaient longé les marécages boueux qui entourait le village. Maintenant les aulnes et les saules aux troncs pâles, de leurs longs pieds, trempaient dans les eaux stagnantes. Ils s'étendaient à perte de vue.

   Les pas de Diméter étaient rapides et déterminés, le coffret n'entravait nullement sa cadence. Darian devait progresser sans ralentir s'il souhaitait suivre l'allure. Ce dernier n'était guidé par aucune piste ni chemin, se fiant certainement à sa mémoire.

   Arrivé à un petit ponton de bois permettant de traverser la terre inondée sans encombre, Darian et son père s'y engagèrent sans la moindre hésitation. Malgré les aléas de la nature, il n'avait pas fallu bien longtemps pour que Darian reconnaisse la destination. Plus que tout, c'était la puissante odeur d'œuf pourri régnant dans l'atmosphère qui avait stimulé la mémoire du jeune homme. Ils traversèrent le ponton sans encombre puis finirent par dire adieu à la tourbière méphitique.

   Cette dernière avait laissé place à une terre bien plus sèche et accueillante, recouverte de verdure et d'arbuste. Une piste ancienne mais néanmoins visible avait émergé du sol.

   Darian progressait tout en laissant vagabonder son esprit. Le soleil était encore bien haut dans le ciel, mais il ne pouvait s'empêcher de songer au temps qui passe. Serait-il à l'heure pour la leçon hebdomadaire d'escrime de Galwix ? L'ancien légionnaire était intransigeant avec les retards.

   Après plusieurs minutes de marche, la piste devint soudainement plus abrupte. Cela ne voulait dire qu'une chose, ils approchaient de leur destination. Progressant sur le flanc naissant de la colline, Darian put enfin distinguer au loin l'entrée de l'ancienne mine, puis quelques foulées plus tard, l'observer de plus près.

   Renfoncée dans le flanc de la colline, la gueule noire de la mine se tenait devant eux. Deux piliers en bois en soutenaient la charpente vieillie, une troisième planche faisait office de jonction horizontale entre ces dernières. D'épais blocs de granite en consolidaient les pourtours. Elle semblait abandonnée depuis des décennies, les villageois de Méliétel avaient certainement oublié son existence depuis bien longtemps.

   —Tu as les torches Darian ? Allume-les.

   Son père lui avait demandé d'en prendre juste avant le départ. Darian posa à terre le grand sac renfermant tout l'attirail de forge, dont la lame soigneusement emballée, et en sortit deux torches ainsi qu'un briquet à silex. Après quelques essais infructueux il finit par réussir à produire les étincelles nécessaires pour les enflammer. Il donna l'une d'entre elles à son père et ils pénétrèrent dans la sombre caverne.

   Ils progressèrent lentement dans les boyaux étroits, prenant mille précautions afin d'éviter tout faux pas. Le sol était escarpé en de nombreux endroits. Ils descendirent pendant un bon moment puis arrivèrent dans une grande cavité où plusieurs voies se rejoignaient. De grandes poutrelles marquaient la naissance des bifurcations. Son père, marchant en tête, n'hésita pas une seconde avant de s'engager dans le couloir de droite. Une dizaine de mètre plus loin le tunnel débouchait sur une porte encrassée de poussières et de saletés. Diméter posa sa torche contre l'attache au mur, sortit un trousseau de clé de ses froques et déverrouilla aussitôt la porte.

   — Pose ta torche aussi avant d'entrer.

   Darian s'exécuta sans comprendre la raison d'une telle requête tandis que son père poussait le battant.