Lame D'Azur

Chapitre 6 : La Moisson (1/2)

I

   Un immense désert de cendre, recouvrant un sol stérile et brûlé, vicié par la corruption, sans courant d'air ni odeur. Tel était le paysage dans lequel Darian semblait s'être perdu pour l'éternité. Le ciel, lui, était parcouru de nombreuses aurores aux nuances cramoisies et violettes, qui se mélangeaient les unes dans les autres. De temps en temps, un éclair venait zébrer l'empyrée, provoquant une cassure dans le tranquille remous coloré.

   Le jeune homme fit un pas en avant, afin d'échapper à ce sinistre paysage de mort et de désolation. Son pied s'enfonça lourdement dans le monticule de cendre, qui freina sa progression. Il remonta avec difficulté le flanc de la dune sur laquelle il se trouvait, pour enfin arriver à son sommet.

   Le désert s'étendait à perte de vue et s'étirait à l'infini, ses limites inatteignables par des moyens humains. A une distance lointaine, dont Darian ne pouvait précisément estimer, se tenait une immense forteresse noire. Bâtie sur un puissant trône de massifs escarpés, elle n'était qu'un amas chaotique de tours, de remparts, hauts comme des collines, larges comme des montagnes. A son sommet, culminait un temple noir aux innombrables colonnes de calcaires d'ébènes.

   Darian en avait maintenant la certitude, il avait quitté le monde des vivants pour rejoindre celui des morts, là où bientôt, sa vie serait happée à tout jamais. Tandis qu'il observait le temple, le désirait et souhaitait s'y rendre, une voix retentit au lointain. D'abord simple chuchotement, elle se fit de plus en plus pressante, émanait à la fois des alentours et de sa propre conscience. Cependant il n'arrivait pas en saisir le sens, les mots semblaient étranges à ses oreilles, mais à la fois familier. Puis il tomba à genou et se mit à trembler.

   A qui appartenait cette voix ? Qui était-il lui-même d'ailleurs ? Quel était son propre nom ? Il ne s'en souvenait plus. Il n'était plus rien, la seule chose qu'il lui restait, était le Temple Noir. Il devait l'atteindre à tout prix.

   Darian réveille-toi je t'en supplie !

   Oui, Darian c'était comme cela qu'il s'appelait. Il s'appelait Darian, il était quelqu'un, il existait. Il était vivant et non pas mort.

   Soudain il ouvrit les yeux.

II

   — Bon sang réveil toi Darian, il faut que tu te réveilles !

   C'était la voix affolée de Camillia qui venait de le faire sortir de sa torpeur. Elle était en train de le secouer dans tous les sens quand il ouvrit les yeux.

   — Enfin ! J'avais fini par croire que tu n'étais plus de ce monde... déclara-t-elle en réprimant un sanglot.

   Il était allongé sur le sol en plein milieu d'une ruelle, Camillia assit sur lui à califourchon, des larmes ruisselants de ses paupières. L'intégralité du corps de Darian semblait en feu et étrangement, des liens entravaient ses deux mains. Ses vêtements étaient en lambeaux et d'innombrables zébrures rouges recouvraient son corps. La jeune femme se dégagea puis l'aida à se relever comme elle le put.

   Darian n'avait aucune idée de comment il avait pu atterrir ici. Il se souvenait avoir porté secours à Ralfel, alors qu'un cavalier noir s'apprêtait à le frapper. Puis un second les avait pris en embuscade. Et ensuite le néant...

   Une fois debout, Darian reprit son souffle, il commençait à se sentir mieux. Il remarqua que son aimée était loin d'être la seule personne à son chevet. La bande était quasiment au complet. Ralfel l'accueillit d'un rictus moqueur suivit d'un clin d'œil appuyé. Tempérance, elle, lui adressa un sourire rassuré et Alcid ne lui décrocha qu'un regard sombre. Quant à Klod, il semblait toujours aussi mal en point.