Chapitre 7 : Lune de sang (2/3)

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 II


   Curieusement, Darian eut moins de mal à retrouver la piste qu'il avait emprunté avec son père qu'escompté. Baigné dans les ténèbres de la nuit et seulement éclairé par les torches du groupe, le paysage semblait tout autre que naguère. Pourtant, plus que ses propres souvenirs, c'était l'instinct qui guidait les pas du jeune homme. Une fois arrivé dans la forêt, l'itinéraire à suivre lui avait sauté aux yeux. Le bourdonnement lointain des cristaux avait refait surface et lui avait montrée la route à suivre. Darian n'en doutait pas un instant, il s'agissait du cristal majeur. Sa complainte æthérique appelait le jeune homme, lui susurrait de revenir dans la Mine-aux-Murmures et de s'abandonner à sa mélodie. Il lutta contre l'envie d'obéir aux complaintes de l'entité, il aurait bien voulu récupérer son espadon mais le danger était beaucoup trop grand. Puis comment convaincre ses amis de se diriger vers la mine pour une simple épée alors qu'il en possédait déjà une.

   Ils ne comprendraient pas... Ils ne ressentent pas comme moi la Mélodie du cristal. Non je reviendrais plus tard, il y a plus important pour le moment.

   — J'espère que tu sais où tu nous emmènes Darian, car tu es bien le seul à le savoir, le fustigea à l'arrière du groupe Thiklès.

   — Oui, on ne devrait pas tarder à apercevoir le ponton. Suivez mes pas sinon vous risquez de tomber dans une tourbière, rétorqua-t-il en ouvrant la marche.

   Puis après quelques foulées supplémentaires, comme pour démontrer les propos du jeune homme, la vieille plate-forme en bois nichée entre les cyprès se dévoila à la troupe.

   — Et bien... c'est ça ton issue de secours ? Ravissant, on sera chanceux si personne ne tombe à l'eau lors de la traversée, fit Ralfel à ses côtés.

   De nouveau, l'odeur nauséabonde des marécages agressa les narines de Darian. Le groupe observa d'un œil circonspect le ponton branlant, celui-ci semblait prêt à s'effondrer au moindre pas. Cependant quelque chose avait changé depuis la dernière traversée du jeune Allister.

   — Tais-toi Raf. Quelque chose cloche ici.

   C'est bien de silence qu'il s'agissait, Darian ne mit pas longtemps à s'en rendre compte. Le silence pesant qui régnait dans la mangrove était tout sauf habituel. Ni les cris de chasses des rapaces nocturnes ni les chants nuptiaux des insectes ne s'entendaient sous les lueurs cramoisies de la lune qui recouvrait la tourbière. Un tel mutisme était anormal, comme si la nature elle-même s'était enfuie afin d'échapper à un danger certain. L'échine de Darian s'hérissa et un frisson fugace le parcourut. Un terrible pré-sentiment l'assaillit et son instinct lui cria de prendre ses jambes à son cou, le même instinct qui lui avait fait pressentir l'arrivée de la créature volante.

   Darian hurla à ses compagnons de le suivre et de traverser le plus vite possible puis il se mit à courir à grandes enjambées. Les figures interloqués s'enchaînèrent et il fallut quelques secondes aux moins réactifs d'entre eux pour saisir les propos du jeune Allister. Un tonnerre de grognement et d'aboiement venant de par-delà les cimes des arbres arriva à leurs oreilles.

   — Courez ! C'est la meute de loups, elle a retrouvé notre piste ! s'époumona Ralfel.

   La troupe s'engouffra sur le ponton, faisant fi de toute prudence. Jetant un regard derrière son épaule, Darian vit le fils du fermier hésiter un instant avant de se précipiter sur le bois vermoulu. Simultanément trois silhouettes quadrupèdes émergèrent des fourrées entourant le coude de la piste.

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