Chapitre 8 : Retrouvailles (2/2)

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II


   Diméter Allister émergea des fourrés touffus qui épousaient les pourtours sud-est de Méliétel. Le ciel pourpre vrombissait d'une infinité d'éclairs qui déchirait l'empyrée en maints endroits. De grandes volutes de fumées noires s'élevaient des masures rongées par le feu ardent. Cris d'agonies et d'horreurs, odeurs de chairs et de bois carbonisées, le chaos ébranlait de tout son saoul la paisible bourgade. Les rares survivants tentaient vainement de fuir l'apocalypse qui s'abattait sur eux.

   Diméter ne pouvait pas se permettre de leurs prêter attention, leur survie n'était plus de son ressort. Il avait un devoir, devoir qu'il se devait d'accomplir. Plus que l'intégralité des âmes du village, son échec pourrait sonner le glas de millions de vie. Il n'avait déjà que trop failli à son devoir, abâtardi et endormi par les jours paisibles qui s'écoulaient depuis de nombreuses années à Méliétel. La tranquillité de sa retraite avait fait de lui un homme calme et serein. Au chevet de son épouse et de ses enfants, il fut bien sot de croire que le destin ne les rattraperait jamais. Les années avaient émoussé l'instinct de l'ancien guerrier, qui fut incapable de prévoir l'attaque de la Cabale.

   Il avait échoué et il ne lui restait maintenant plus qu'une infime chance d'échapper à la catastrophe qui s'annonçait. L'homme bon et serein qu'il était n'avait plus de raison d'être, de nouveau il devait faire corps avec la rage et la colère qui l'habitaient autrefois. C'était le seul moyen d'empêcher la victoire totale de la Cabale.

   Se camouflant parmi les arbustes, Diméter remonta avec prudence le chemin qui délimitait la limite sud du village. Une main sur le manche de sa hache, ses sens étaient aux aguets du moindre danger. Dans la pénombre il serait quasi impossible pour les cultistes de le repérer mais pour les créatures démoniaques se seraient une autre histoire. La chance semblait lui sourire pour le moment car personne ne sembla s'être encore aventuré dans cette partie du village, la plupart des habitations et commerces étant regroupés autour de la grand-place.

   Une fois la piste remontée, Diméter quitta pour de bon sa cachette, l'extrême limite du bois atteinte. Il se hâta vers la gauche, se faufilant entre les rares bâtisses encore épargnées par l'incendie qui ravageait les toits en chaume de Méliétel. Moins d'une centaine de mètres le séparait maintenant de son objectif, le pont qui desservait la rive est du village. Le guerrier à la hache, redoublant toujours de prudence, longea l'arrière-cour d'une boutique pillée afin de rester le plus discret possible. Il ne lui restait que peu de temps avant que le gros des entités démoniaques ne traversent le Voile, des créatures bien plus redoutables que les loups infernaux. Alors qu'il s'apprêtait à bifurquer dans une ruelle étroite sur sa droite, Diméter se plaqua contre le mur d'une masure à toit bas.

   — Tu as entendu ça mon frère ? Je crois que quelqu'un nous observe.

   La voix était aigre et pincée, teintée de suspicion.

   — Je pense que tu as rêvé, il n'y a plus une âme dans ce cloaque mis à part les deux rats qui se sont réfugiés dans la cave. J'espère que le Fort s'en sort avec la porte d'ailleurs, rétorqua un autre avec un pointe d'amusement.

   Diméter jeta un coup d'œil prudent dans la ruelle qui se prolongeait sur sa droite. Trois silhouettes encapuchonnés se tenaient devant la devanture d'une chaumière, celle de la famille Osind d'après les souvenirs du maître forgeron.

   Dois-je rebrousser chemin et faire un détour pour passer le groupe ? Et si jamais la voie n'est pas libre de l'autre côté ? Ou dois-je les attaquer par surprise pour me créer un passage ?

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