Le soleil avait disparut, permettant l'arrivée d'une douce bande ocre se languissant à l'horizon, qui contemplait l'océan céleste au bleu si profond, dans lequel on commençait à apercevoir les minuscules diamants pourtant si brillants, et où des gigantesques baleines blanches éthérées voyageaient vers une destination confidentielle. Loin en bas de ce magnifique spectacle, se trouvait Liaorme qui ne portait que des guenilles venant des mêmes ruines que le sarcophage qui l'avait contenu. Il avait été réveillé par des Vésaliens aux cheveux et paupières argentés. Hélas, il n'avait jamais appris leur langue et se sentait comme un enfant se retrouvant dans une discussion d'adulte, à essayer de percer le secret de son avenir et de son réveil, à travers ces mots qui avaient l'arrogance de feindre de ne pas avoir de sens. Et ce sont probablement ces mots qui gardaient secret les événements ayant dévasté le paysage et le village le temps d'un sommeil. Un des Vésaliens s'approcha de lui. Il était le plus richement habillé et le plus gros de la troupe, mais Liaorme ne pu deviner son âge, car bien qu'ils vivaient moins longtemps que les humains, les vésaliens étaient moins sujets au vieillissement.
-Toi, quoi faire, ici?
Son élardien était tellement déformé par son accent que Liaorme mit un moment avant de reconnaître sa langue maternelle. Il essaya alors de le lui expliquer de la manière la plus simple possible dans des mots qu'il pourrait comprendre. Mais il réalisa ensuite que le récit de son entrée dans le sarcophage, utilisait des mots qui ne rentreraient pas dans le maigre inventaire d'élardien de son interlocuteur. Il dut alors se résoudre à lui répondre un «c'est dur, à expliquer», dont le fait qu'il soit prononcé de manière la plus nette et compréhensible possible ne pouvait cacher le fait que cette réponse était tellement floue, que cela pouvait dire tout et son contraire à la fois et qu'au final elle ne disait rien. Pour compenser cette réponse brumeuse qui cachait un sentier beaucoup trop compliqué pour le Vésalien, Liaorme lui posa une question simple mais que tout depuis son réveil maintenait au centre de ses pensées:
-Quand ça été détruit?
Très très longtemps. Deux cents années...
-Toute l'île est comme ça?
-Oui.
...Le temps d'un sombre instant. Le monde avait changé au point d'être devenu méconnaissable. Seul lui était resté le même, et c'était les autres qui semblaient découvrir en lui un changement mystérieux de leur propre monde. Son esprit n'était pas malade, il avait été plongé dans sa capsule, sous terre, dans des limbes si profondes et obscures que l'univers l'avait oublié, et continuait à vivre sans lui, et l'avait laissé mourir enterré vivant, et de la tombe ne sortit qu'un fantôme de chair de cette civilisation. Une ruine humaine, un oublié de la dévastation, n'étant plus qu'un vestige de temps réduits à l'état de récits approximatifs... Lui qui devait être le messager ravivant les souvenirs chaleureux et lumineux, pour donner un peu d'humilité a un futur divin...
Des larmes commençaient déjà à se détacher de ses yeux quand un des Vésaliens lui tendit une miche de pain, en maigre compensation de son incapacité à l'aider. Liaorme accepta par politesse. Son esprit n'étant pas particulièrement investi dans ce besoin qu'on tout les êtres vivants de se nourrir, il mangea tellement lentement, qu'au point où quand il avait fini, une bonne partie des vésaliens avaient disparus dans des tentes apparues quand il ne regardait pas.
Et le bleu marine du ciel était devenu d'un noir abyssal, où les étoiles reposant sur le fond du ciel régnaient sur cette nuit comme sur toute les autres, sans jamais faiblir ou disparaître sur un royaume s'étendant de la création du monde (certains disent même au-delà) à bien après sa fin. Et cela réconforta Liaorme, de savoir que la bouteille messagère dérivant dans l'océan qu'il était n'avait pas quitté ce royaume, dans lequel se trouvait tout ce qu'il avait connu auparavant, bien qu'inaccessible. Les étoiles, elles au moins, sont restées inchangées.
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Quintessence Jardin Céleste
FantasyDans les sphères imbriqués de terre, mer, et d'air Desquelles furent imprégnées par les ères: Dans l'hiver à l'air futile et stérile Le Soleil irradie le sang sur la neige Révélant un nouveau royaume frais et feu Notifiant au jardinier son sortilège...