«Dites moi, Sire de Jésonnes, quel était ce pouvoir que vous aviez plus jeune?»
Le noble soupira, pendant que le carrosse continua à égrener de ses roues le chemin vers Tancy.
-Ce pouvoir, que j'ai possédé dans ma jeunesse, était de... Rendre les choses plus promptes à se briser. Au début, c'était une véritable malédiction car j'étais incapable de le contrôler, ravageant le château familial, et allant même jusqu'à dégrader ma santé. Je prie pour que ton ami n'ai jamais eu ce genre de problème du même type avec ses pouvoirs.
Le regard de Ferdinand quitta le paysage défilant encadré par la fenêtre.
-Moi aussi je ne pouvais contrôler le mien quand je l'ai obtenu, mais j'ai rapidement appris à le maîtriser.
-Grand bien vous fasse. Et heureusement pour moi, nous avons tous les deux réussi à utiliser ces capacités à notre volonté. Mais hélas, quelque mois plus tard, mon don disparu. Je ne connais pas vraiment le moment exact où je n'était plus en mesure de l'utiliser, car je m'en servait à vrai dire assez peu... Ce ne fût pas un vrai choc, car comme je l'ai dit cela m'était assez peu utile dans ma vie de tous les jours, donc ce fût plutôt une sorte de malaise silencieux causé par l'impression de retour à une réalité maintenant stérile, et qui dorénavant constituerait le reste de ma vie. Là j'ai réalisé petit à petit qu'aussi étonnant que ça puisse paraître, cette action insignifiante dans mon quotidien était inconsciemment devenu le fil directeur de mes pensées, imaginant alors avec mon esprit enfantin des histoires abracadabrantes, et éclaircissant mon austère enfance. La période suivant la perte de mon pouvoir ne fût donc pas une catastrophe, mais plutôt un long naufrage progressif... Enfin bref, je ne vais pas non plus vous raconter ma vie...
Ils arrivèrent à Tancy en étant devancé par la nuit, qui avait eu le temps d'élever sa bannière sombre à rectangles jaunes brillants sur tous les immeubles de la ville. Ils trouvèrent après quelques pas sur le pavé dégouttant une auberge, sûrement pas la plus prestigieuse, mais celle qui leur économiserait le plus de fatigue. Ne se préoccupant que du sommeil, ils dormirent tous les trois dans le même grand lit, en étant les derniers client que recevrait l'aubergiste lors de cette nuit.
Avec la lumière du jour, l'insalubrité de là où ils s'était reposé s'était détestablement révélée. Ils déjeunèrent donc dans une autre auberge.
-Bon, voici le programme pour aujourd'hui: nous allons enquêter sur la présence de personnes dotés de dons en interrogeant les gens et en écoutant les rumeurs. (Il sortit un plan de la ville), je m'occuperait de ce quartier, dît-il en pointant le bas-gauche de la carte, et vous deux... Bah tout le reste. On se retrouve ici à 20h. Voici une pièce pour le repas du midi.
Julien essaya de trouver quelque chose à redire, et Ferdinand soupira du nez, en se disant qu'au moins il pourra accompagner Julien tout en visitant cette ville, qui n'avait certes pas l'air reluisante, mais qui au de vu sa taille beaucoup plus importante que Colimère, valait le coup d'y jeter un œil. De Jésonnes les quitta sans autre formalité que de donner la note.
-On va se séparer pour couvrir plus de surface, d'accord? Dit Julien une fois dehors. Je sais que tu préférerait juste m'accompagner et ne pas avoir à parler, mais plus vite on aura terminé, plus vite notre voyage pourra continuer.
-Oui...
Ils partirent dans des directions opposées. Ferdinand se retrouvant à marcher dans les ruelles poisseuses dont on aurait dit que quelque esprit malsain avait soigneusement aligné aux pieds des immeubles les déjections des deux côtés du bassin, accompagnés de choses dont seule la répugnance était connue. Et en levant les yeux, ce n'était pas mieux, les cieux étant encadré par ces immeubles en bouille blanchâtre, qui lui renvoyèrent l'image de sa maison en torchis et avec elle la morose perspective du retour et après ça, la vie qui redeviendrait similaire à celle de ces gens autour de lui qui marchaient, pour beaucoup coincés dans la même réalité étriqué et sûrement pas reluisante... Il dégagea ces pensées avec un soupir, et décida qu'il allait parler à la première personne sur laquelle il allait poser le regard. Et ce fût une femme d'environ quarante ans qui semblait avoir autre chose à faire, mais si il trouvait une excuse pour ne pas lui parler, il finirait par trouver une excuse pour chaque personne.
-Euh... Excusez-moi madame, est-ce que vous auriez vu des gens avec des pouvoirs?
-Non.
-Merci...
Il repéra une autre personne à interroger en usant du même procédé, cette fois-ci un gamin mendiant.
-Dit-moi, aurais-tu vu quelqu'un avec des pouvoirs?
-Non.
Il continua ainsi, répétant la même question dans des mots différents, et obtenant quasiment à chaque fois la même réponse négative, et quasiment jamais une réponse positive qui était souvent des mentions de diseuses de bonne aventure et autres guérisseuse. Mais il ne savait pas pourquoi, de Jésonnes avait dit qu'elles ne comptaient pas, au motif que leur pouvoirs ne serait pas réels. La douzaine de coups annonciateurs de la mi-journée coïncidât avec l'envie de pause de Ferdinand, qui en profita pour se rendre dans l'auberge la plus proche.
En mangeant, il remarqua par hasard sur une des tables, à l'autre bout de la salle, un ivrogne qu'il reconnu, d'abord sans qu'il sache pourquoi, puis la brûlure sur son visage lui fît se souvenir qu'il s'agissait de cet homme sur la route de Colimère dont il avait brûlé le visage. Ferdinand tourna le dos pour atténuer les chances de se faire repérer, et avoir des problèmes. Peu après, il vît s'avancer dans sa vision périphérique celui à qui il avait tourné le dos, qui maintenant le regardait d'un air ébahi. Ferdinand s'était rendu compte qu'il avait fait l'erreur de ne pas mettre son chapeau, et c'est peut-être ce qui avait permis à l'ivrogne de le reconnaître grâce à ses cheveux et au gabarit... C'est au milieu de ce constat que l'ivrogne le pris par le col, l'arracha du sol et le plaqua au mur.
-C'est lui, les gars! C'est lui le morveux qui m'a jeté un truc en pleine face! Postillonna-t-il de colère.
Ferdinand, contenant du mieux qu'il pouvait sa panique, apposa la marque brûlante de son poing dans l'estomac de son agresseur, y réveillant des flammes. Il se mît à crier et essaya frénétiquement de les éteindre, et Ferdinand utilisa les maigres secondes à sa disposition de sa pensée pour comprendre qu'il avait appelé les autres. Il jeta une rafale de coups sur lui, d'une puissance faible, mais qui fît du corps de l'ivrogne un champ de guerre d'une froideur ardente, dont les températures tiraillées ouvra de multiples déchirures sanguinolentes sur son corps.
Les compagnons de l'ivrogne s'approchèrent en hésitant d'abord du jeune homme couvert du sang projeté.
Mais à leur surprise, Ferdinand échappa au conflit par la porte de l'auberge en courant. En regardant derrière lui le long de la façade de l'auberge, son cœur repartit de plus belle en les voyant le poursuivre et l'un d'entre eux sortir un pistolet. L'angle de la rue lui permis d'éviter la balle, mais pas ses poursuivants. Mais par bonheur, l'avenue bondée qui s'ouvrit lui offrait une protection contre les balles ainsi qu'une chance de s'enfuir. Pour prendre cette chance en main, Ferdinand utilisa le temps que mirent ses poursuivants pour enlever son chapeau, et s'enfouir dans la foule.
Il ne trouva point d'utilisateurs de pouvoirs aujourd'hui. Il sortit momentanément de Tancy après ces événements, pour se laver du sang dans le calme de l'amont du fleuve traversant la ville. Refroidi par l'eau, il repensa à la tournure qu'avaient pris les événements à l'auberge. Il espéra qu'il n'avait pas commis de meurtre, et qu'il n'aurait plus jamais à croiser cet ivrogne. Faire une action, c'est s'engager à en faire d'autre, c'était ce qu'il avait dit à Julien lors de sa première rencontre avec l'ivrogne. Mais au final, il avait fini par agir au contraire de son propre conseil ce jour-là, motivé par la lassitude et la bonne conscience. Ce qui l'a engagé à pouvoir rencontrer plus tard le même ivrogne avec cette fois-ci de la rage à son encontre.
Sa chemise reçu le gros du sang projeté, et ce n'est qu'après une ou deux minutes de réflexion qu'il vît une fille, un peu plus haut sur l'autre rive, en train de faire la lessive. Il la rejoignît par un pont et lui proposa de laver sa veste, en échange de la monnaie de son repas.
Elle fût curieuse de savoir ce qui était arrivé à ce vêtement qu'elle lavait, il répondît que c'était du sang de poulet...
Le soir, de retour à l'auberge où ils avaient déjeuné, il appris que Julien et De Jésonnes n'avaient rien trouvé non plus...
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Quintessence Jardin Céleste
FantasíaDans les sphères imbriqués de terre, mer, et d'air Desquelles furent imprégnées par les ères: Dans l'hiver à l'air futile et stérile Le Soleil irradie le sang sur la neige Révélant un nouveau royaume frais et feu Notifiant au jardinier son sortilège...