Chapitre VII: Révélation Infime

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Le vent s'écoulait au travers des arbres, comme autant de doigts fiers récoltant leur récompense pour leur labeur, et le Soleil quittait peu à peu sa période d'avarice pour se diriger vers son apogée. La forêt frémissante de plaisir formait une voûte de vitraux végétal, laissant passer en un endroit la poignée d'étoiles solaires poussant et se refermant au gré du vent déplaçant les feuilles, éblouissant sporadiquement Ferdinand. Mais cet éblouissement faisait parti du registre de ce qu'il était parti récolter tout autour du royaume, reforgeant avec sa chaleur nouvelle l'idée qu'un voyage serait une bonne idée pour mettre l'auxiliaire au présent, et ajouter la réflexion que le grand obstacle récurrent à chaque action est la poussée de peur saboteuse, provoqué par l'arrivée prochaine de la dite action. Il se souvint de lui-même, à l'époque où le voyage à venir projetait son ombre allongée sur lui. Vu de cette forêt, le départ ne paraissait plus si menaçant. Car au final, la chose s'était juste passée.

-Quand est-ce que l'on arrive? Julien et son impatience avait tendance à s'ennuyer assez facilement.

-Il me semble qu'on devrait arriver après demain à Colimère.

-Tant mieux! On a du croiser une seule auberge en une semaine de voyage!

-Au final, ça c'est bien passé...

-Toi t'as pas eu d'araignée qui à essayé de monter sur toi cette nuit.

-Bah un matin, je me suis retrouvé avec un ver sur mes vêtements, c'est un peu la même chose...

Quand l'écho inaudible de ce bout de conversation disparut définitivement sous les sons de leur pas, la plupart des arbres furent alors passés derrière eux deux, qui semblaient maintenant précéder une gigantesque écume émeraude s'échouant sur le début des collines. Le soleil s'était rapproché de l'horizon, laissant deviner la fin de l'après-midi. Au grand bonheur de Julien, une auberge reposait à droite de la route.

Pendant que Ferdinand mangea tout en regardant les montagnes septentrionales au bout de l'horizon, à travers les vitres sales, Julien tourna ses sens vers l'intérieur de la salle à manger.

Ils étaient en tout cinq à se restaurer ici, ce qui était loin d'occuper toutes les chaises et tables. Les trois inconnus discutaient de... Julien tendit l'oreille... De la véracité de rumeurs sur une invasion prochaine de cette partie du royaume élardien par les citées vésaliennes. «De l'autre côté des montagnes au nord on parle que de ça, et puis y'a pas de fumée sans feu» dit de manière volontairement décisive l'un d'entre eux que Julien identifia comme un demi-vésalien.

L'annonce d'une hypothétique guerre avait refroidit son humeur. Dans une recherche de sentiments partagés, il se tournât vers Ferdinand dont le regard perpendiculaire à celui de son ami passait par-dessus ses quasi-restes froids à travers la fenêtre, mais c'est à peine si il avait remarqué les trois hommes.

-Ferdinand?

-Oui?

Julien baissa la voix et se rapprocha.

-Tu les à entendus?

Ferdinand bougea la tête de manière à voir qui il désignait brièvement du menton. Mais peu importait cette action car il savait déjà ce que lui-même allait répondre:

-Non.

Julien se rapprocha encore plus et se mit à chuchoter.

-Les Vésaliens vont peut-être envahir le royaume.

Ferdinand ne savait comment réagir à cette nouvelle orageuse. Il ne pourrait empêcher son commencement et son déroulement, il allait sûrement en pâtir, et l'embrun des larmes n'était pas d'une grande utilité. Tout ce qui lui restait, c'était une sorte de malaise donnant envie de se réfugier dans le présent infime. Puis il remarqua le «peut-être» dans la mauvaise nouvelle empoisonneuse de rêveries permettant le retour au flegme.

Il attendit que Julien ai fini de manger avant de pouvoir monter dans leur chambre, en continuant sa balade visuelle sur ces montagnes écharpées de neige ne craignant pas le printemps, qui lui donnait envie d'avancer la fin du voyage pour y caser un petit tour dans les Royaumes Médians permettant de passer par deux fois sous ces sommets.

Une voix crasseuse fût vomie sur le tintement farouche des couverts:

-Hé Gérard, je peux en avoir une? Un ivrogne passé par la porte grande ouverte.

-Non tu me dois déjà beaucoup trop, j'ai une affaire à faire tourner moi!

-Allez s'il te plaît, juste une dernière.

-Non, dégage et reviens quand tu aura de l'or. En plus tu à l'air déjà bourré.

-J'ai pas d'or à te donner, seulement du plomb! Il sortit de ses loques un pistolet tremblant. Maintenant tu me file à boire! Fît-il en agitant sa mâchoire garnie de chicots devant l'aubergiste tétanisé.

-Il faut l'aider! Murmura Julien.

-On va se faire tuer... Il n'a qu'à lui donner sa bouteille et on n'en parle plus...

-Ça recommencera et cette fois, on ne pourra plus l'aider.

-Si on l'aide, on ne sera pas là non plus là prochaine fois.

-Mais il y aura moins de risque qu'il y ai une «prochaine fois».

Après un soupir, Ferdinand s'arracha de son inaction et jetant négligemment sa vie sur une branche courbée, il versa la graisse de son assiette dans le fond de vin qui lui restait avec un brouillon de plan en tête.

-Qu'est-ce que tu fait?

Il ne savait pas comment ordonner son plan dans des mots suffisamment concis, il fût donc contraint de laisser Julien dans la position du spectateur ignorant. Il continuât donc dans ce chemin brumeux en prenant cette fois-ci la graisse et le vin de son camarade le laissant faire, ne voyant aucun côté bon ou mauvais à ces actions, pour mettre ces liquides dans un même verre. Celui ci était à présent rempli aux trois quarts d'une mixture commençant à cracher de la fumée comme un homoncule draconique, par soif chevaleresque de justice? Par excitation bestiale envers le sang dont elle sentait l'effusion future? C'est là que Julien devinât le dessein de Ferdinand, qui se levât et se mit à marcher en direction de l'ivrogne, avec le verre à la main et le regard de l'empoisonneur de rois.

La cible fît un dernier demi-tour méprisant avec sa récompense et preuve concrète de sa domination en main, pour connaître avant de partir d'où venait ce murmure bouillant. Ce qu'il vit, c'était un jeune homme, dont les cheveux bruns débordaient de son chapeau, à la peau pâle, et yeux bleus clairs émettant de l'agacement. C'était pendant une tranche de seconde, car juste après la dégueulasserie contenue dans le verre bondit de toutes ses gouttes sur son visage. Il avait beau affirmer sa volonté d'arrêter par des cris et s'en aller en filant dans la nuit des champs en plein par la boue, le liquide ne le laissât pas, au contraire il brûlât son visage comme si il voulait envahir l'intérieur. Il dût sacrifier son objet de désir pour calmer les ardeurs de cette boisson de sorcière.

Ferdinand eu la satisfaction d'avoir soulevée le couvercle de terreur coupable flottant autour de chaque agression publique, mais qui se retrouva voisine du grand fatalisme quand il se réalise que la bouteille avait quand même disparue. Julien reçut l'argent de l'aubergiste qui leur offrait dorénavant la chambre qu'ils avaient loués au départ, ainsi qu'une autre pour avoir fait fuir ce client qui ne le payait qu'à crédit depuis un mois.

Une fois l'intimité de la chambre enfin acquise, Ferdinand jouât un peu avec son pouvoir, divertissant un coin de son esprit en traçant des traits aléatoires en noircissant le bois avec ses doigts depuis son lit, quand le coin de chambre qu'il voyait apparaissait subitement totalement décoloré, incapable de retenir d'émettre la poussière d'effritement par le cours du temps, avec pour seule variation le tracé de son doigt imbibé du pouvoir sur les murs, qui était parcouru de nuances alternant les couleurs moins ternes qui ne s'effritaient plus que très légèrement, et le noir qui fumait intensément, comme sous une combustion n'arrivant jamais.

Ferdinand quitta cette étrange vision avec des yeux ronds d'incompréhension. Faute de mieux et constatant que là où il avait laissé son doigt des flammèches ambitieuses commençaient à naître, il les éteignît et alla se coucher dans un sommeil rempli de questions...

Quintessence Jardin CélesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant