Chapitre V: Nouvelle Vision

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Ferdinand progressait sur un chemin qui partait du village pour traverser les champs, dont l'assombrissement vespéral accompagnait l'approfondissement du bleu céleste, jusqu'à une séparation de son tracé créant deux directions empruntables. L'une s'arrêtant au moulin, l'autre continuant vers on ne sait où. Cela faisait plusieurs jours que Ferdinand était guéri. Depuis il avait essayé son pouvoir à des occasions éparses, faisant fondre un tas de neige, geler la surface d'un lac, faire brûler des bouts de bois... Et seule la vision et le jugé de l'intensité avec laquelle il injecte ou disperse l'énergie (c'est comme cela que lui-même se représente son pouvoir) lui permettait de contrôler ce don. Et à sa propre surprise, il commençait déjà à prendre ses aises avec, ayant même débuté à expérimenter la température confortable en dehors des murs qui contiennent son chez lui, grâce à un réchauffement régulier de l'air.

Mais avec la venue de ce don, et les loups qui avaient presque réussi à transformer son passé en sa vie, sa volonté fut renforcée par la peur viscérale d'une chose rôdant dans l'avenir. Cette chose était une vie où son esprit s'était révélé trop faible pour son pouvoir, et où il s'était laissé porter, inanimé, par les courants du destin à travers les sillons les plus creusés. Jusqu'à un moment où sa vision ne verrait plus que les quelques mêmes lieux, et pas vraiment les plus beaux qui puissent exister, en boucle jusqu'à sa mort. Mais Ferdinand avait compris que si cette force, qui était la même que celle qui nous pousse à rester dans nos draps chauds et sombres, pour échapper au monde transpercé de froide lumière, était particulièrement lourde chez lui, c'est parce que son caractère la favorisait. Sa discrétion et sa pudeur quand on l'approchait l'avait inconsciemment poussé à épouser les formes, et à ne jamais se laisser porter par le vent faisant glisser à travers les vagues les navires jusqu'à l'horizon. Hélas, il ne savait pas vraiment comment s'extraire de sa situation sans que personne ne puisse connaître l'existence de don, ce qui pourrait l'empêtrer dans la lourdeur des relations humaines à gérer. Ce qui lui rappela amèrement que Julien, celui qui occupa l'unique place d'ami que Ferdinand se permettait pour ne pas à abandonner sa tranquillité, tout en ayant quelqu'un avec qui rigoler et parler de temps en temps, l'avait vu utiliser son pouvoir. Mais, heureusement, il ne semblait l'avoir dit à personne.

Il faisait nuit maintenant, quand Ferdinand le vit, il retourna chez lui en pensant tout autant qu'il marchait.

Un voyage pourrait lui faire le plus grand bien, pour éclairer un peu sa vie et profiter un pleinement de ce don, tout en voyant un peu du pays. Il faudrait que son départ soit connu à l'avance de sa famille, pour les inquiéter le moins possible et faciliter un éventuel retour. Ce voyage n'était pour l'instant qu'une pensée de son esprit, et il savait qu'il y avait des choses à prendre en compte, comme le moment du grand départ, le trajet, les provision, la durée... Il bailla, et décida qu'il en parlerait le lendemain avec Julien. Sa maison était en vue...

Après le passage de la nuit dans une maison qui lui apparaissait de plus en plus réduite, et donnant le désir de s'en échapper par l'issue la plus proche, il alla le voir au matin, sous les murs de l'église s'élevant de la neige constellé d'empreintes de terre battue, en direction des lointaines nuances de grisaille parcourues par des formes aviaires.

-J'ai envie de partir. Il fût quelque peu gêné par ce début de phrase étrange pour commencer une conversation.

-Où ça?

-Du village. Pour la destination, je voulais justement en parler avec toi. Mais personnellement je veux juste aller voir du pays et profiter un maximum de mon pouvoir.

-Ouais pourquoi pas, sa pourrait être bien. Après pour l'itinéraire... Personnellement, j'aimerais bien aller voir le Sud, à ce qu'il paraît, il y aurait des rochers rouges et il ne ferait jamais froid même l'hiver. Donc l'itinéraire devrait passer par là.

Quintessence Jardin CélesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant