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Une nouvelle semaine de cours ennuyeux commence, je soupire alors que le cours de sciences touche à sa fin. Je rassemble mes affaires et quitte la salle pour aller à mon prochain cours, qui est de philosophie.

Je ne suis pas une grande fan de philosophie je l'admets, mais c'est une matière obligatoire dans ma filière, alors je fais de mon mieux. J'entre dans la salle et m'installe à une table, seule, une habitude prise depuis la fameuse soirée.

La professeure fait son entrée dans la salle et débute immédiatement son cours. Peu d'étudiants semblent attentifs, ce qui m'agace un peu, car ma concentration est souvent perturbée par les conversations bruyantes.

— Bon, visiblement vous n'êtes pas décidés à travailler ! Déclare la professeure d'un ton ferme. Dans ce cas, vous allez utiliser le temps restant pour rédiger une dissertation !

Elle prend une craie et inscrit au tableau le sujet que nous devrons traiter, malgré les soupirs exprimés de la classe.

« L'amour permet-il de franchir la distance qui nous sépare d'autrui ? »

— Étant donné que la saint-valentin approche à grand pas, j'ai pensé que vous pourriez réfléchir sur ce sujet traitant de l'amour. Ajoute-t-elle.

Les étudiants expriment leur mécontentement en soufflant encore et sortent leurs feuilles de manière nonchalante. Je fais de même et commence par écrire le sujet avant de m'atteler immédiatement au travail, espérant obtenir une bonne note.

« C'est dans et par l'amour que nous pouvons fusionner avec autrui. L'amour est une force de cohésion et de rapprochement des individus. Mais l'amour fusionnel est une vaine imagination. L'autre conserve sa liberté et son mystère. L'amour ne supprime pas la distance avec l'autre. Bien, au contraire, il instaure un abyme entre les hommes.

Dans la multitude des rapports sociaux que nous entretenons avec autrui, il arrive parfois que se détachent des communications plus intimes, une complicité, des liens d'intimité, de l'amitié, de l'amour. Enfin, la distance qui nous séparait de l'autre disparaît. Nous éprouvons le sentiment d'une harmonie trouvée. L'amour inaugure entre les êtres humains un rapport nouveau. D'étranger, l'autre devient familier. La distance entre lui et moi s'efface pour disparaître totalement dans le sentiment amoureux. Aimer un être, c'est une manière de s'éclater vers lui et de le saisir dans sa réalité. L'amour est conscience des charmes de la personne aimée. Fusion et effusion des consciences. Exaltation des sens et des corps.

Cependant, le rêve d'une fusion affective ne peut se réaliser. L'amour nous fait découvrir la véritable différence de l'autre. La distance n'est jamais comblée, même dans l'intimité la plus grande. L'amour, loin de supprimer la distance avec l'autre, nous révèle la différence même de l'autre. L'alter ego, à la fois même mais irrémédiablement autre que moi. Avant d'aimer quelqu'un, on perçoit ses qualités, ses défauts, on le définit. Lorsque nous l'aimons, il existe pour lui-même et il reste une énigme. Même dans l'intimité et la tendresse, l'autre conserve son mystère. La symbiose parfaite entre les êtres est une illusion.

L'idée courante que l'amour nous permet d'abolir la distance avec l'autre, de fusionner avec l'intime de son être est confirmée. L'autre n'est plus inconnu, il devient mon semblable, un autre moi. Toutefois, l'amour est justement ce qui permet de prendre conscience de la distance irrémédiable qui nous sépare de l'altérité. Même dans l'amour, le visage de l'autre manifeste cette distance irréductible. Accepter cette distance est sans doute le véritable sens de l'amour. »*

J'écris le dernier mot au moment précis où la cloche sonne, annonçant la fin de l'heure. Un soupir de soulagement m'échappe, me rendant compte que je m'en suis plutôt bien sortie et juste à temps en plus.

Je range mes affaires et quitte la salle. Il est midi, alors je me dirige vers le réfectoire pour prendre mon repas. Je m'installe à la table où j'avais l'habitude de déjeuner avec Lukas et Elsa. Habituellement, je préfère manger à la bibliothèque, mais je ne veux plus me cacher. Après tout, j'ai autant le droit de manger au réfectoire que les autres élèves.

Je commence à manger quand un plateau est déposé brusquement sur ma table. Je lève les yeux et croise le regard mesquin d'Elsa, suivie de Lukas qui, lui, ne me regarde même pas.

— Excuses-moi, je crois que tu t'es trompée de table, tu es assise à nos places. Dit-elle avec un sourire totalement faux.

— Excuses-moi, mais je crois que ton prénom n'est pas écrit sur la table, je m'assois donc là où je le souhaite. Je lui réponds avec le même sourire.

— C'est une table pour plusieurs, et visiblement tu es seule. Alors pourquoi ne pas aller à une table plus petite pour éviter de nous déranger ? Elle ajoute.

Je reste bouche bée devant tant de méchanceté de sa part. Si je l'avais su si mesquine, je ne l'aurais jamais faite entrée dans ma vie.

— Elle n'est pas seule, je suis avec elle. Dit une voix que je commence à bien connaitre.

Je regarde la personne et vois Miller jeter un regard noir en direction d'Elsa avant de prendre place sur la chaise à mes côtés.

— Maintenant, j'aimerais manger tranquillement, sans ta présence désagréable à mes côtés. Bye ! Il dit d'un sourire forcé accompagné d'un mouvement de la main lui signifiant de s'en aller.

Elsa se décompose, récupère son plateau et s'en va sans un mot de plus. De mon côté, je préfère regarder mon assiette, décidée à ne pas parler à Miller, même si je savoure la défaite d'Elsa.

Mais il ne semble pas du même avis, puisque je sens son regard lourd se poser sur moi.

— Pourquoi tu n'as pas répondu à mes messages ? Il commence.

Je souffle et relève les yeux vers lui avec dédain.

— Je ne sais pas, peut-être que je n'en avais pas envie ? Dis-je sarcastiquement.

— Ne joue pas à ça avec moi. Quand je t'envoie un message, je veux que tu me répondes.

— Je ne suis pas ton chien Harvey. Rien ne t'est dû. Tu n'es rien ni personne à mes yeux, alors je n'ai aucune obligation envers toi ! Dis-je, pleine de rage.

Je le vois serrer les poings, alors je continue mon jeu et prend mon plateau pour quitter le self. Je n'arrive pas à croire ce qu'il vient de me dire. Il me prend pour qui au juste ?

Je quitte le self et passe à mon casier récupérer mes cahiers de cours de l'après-midi. J'ai à peine fini de remplir mon sac que mon casier se referme brusquement. Je sursaute et me retourne d'un bond. Miller est devant moi, les yeux noircis par l'énervement. Je déglutis et constate que ses bras m'encadrent pour m'empêcher de m'enfuir.

— N'agis pas comme ça avec moi, Hannah, ça me rend dingue. Il chuchote presque.

Je suis tétanisée par la peur, il ne faut pas oublier que Miller est connu comme étant un homme violent. Je me contente juste de fixer ses yeux si différents de leur vert habituel.

— Tu es train de me rendre complètement fou. Chuchote-t-il encore plus doucement en posant sa main sur ma joue.

Ses yeux s'adoucissent peu à peu et glissent jusqu'à ma bouche. Son pouce caresse ma lèvre inférieure et il pose son front contre le mien. Mais ce moment de tendresse ne dure pas puisqu'il se retire brusquement et s'en va, me laissant les bras ballants face à des élèves tout autant déconcertés que moi.

Je secoue la tête et quitte à mon tour le couloir. Cet homme a un sacré problème.


*https://www.devoir-de-philosophie.com/dissertation-amour-permet-franchir-distance-qui-nous-separe-autrui-6540.html

CHASED - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant