Chapitre 3.

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- Hazz... On est arrivé. Il faut que tu te réveilles.

Je caresse doucement ses boucles en regardant sa bouille endormie.
Il ronchonne, mais finit par ouvrir les yeux et se lever.

En arrivant sur le quai il me prend la main en souriant et nous nous dirigeons ensemble vers l'arrêt de bus de la petite gare, où nous nous asseyons sur le banc.

Il se relève quelques minutes plus tard, son corps secoué par une incontrôlable toux qu'il tente malgré tout de calmer.

Je me lève d'un bond et lui donne le Ventolin que je garde toujours dans une de mes poches.

Il l'attrape et le met dans sa bouche en essayant de calmer les tremblements de ses mains dus à sa toux.

Je le prends dans mes bras, en me rasseyant, et lui caresse le dos pour qu'il se calme. Il pose son front contre mon épaule en respirant difficilement. Je continue de tracer des cercles dans son dos, en enfouissant mon visage dans ses belles boucles marrons.

Maintenant, ses larmes glissent sur mon t-shirt et son corps rebondit sous ses sanglots... Je déteste le voir comme ça.

   - Hazz'... Je suis là, je suis là... Calme-toi, je suis là...

Ma voix s'éteint dans un murmure. J'ai la gorge serrée, mais je ne craque pas. Je ne peux pas craquer devant lui, on doit rester fort. On doit combattre ensemble. C'est bien si il craque parfois devant moi. Ça laisse son masque se fissurer. Le masque qu'il porte pour faire croire à tout le monde que rien n'a changé. Qu'il n'a pas de problème. Qu'il va bien.
Mais il a le droit de se laisser aller, de parfois laisser couler ses larmes, de parfois avoir besoin du soutien de quelqu'un.

J'aimerai pouvoir lui dire que tout va bien, qu'il va bien... Mais je ne peux pas et ça me tue. J'aimerai pouvoir faire quelque chose pour lui, pour le soulager, mais je suis inutile, je ne peux rien faire... à part l'aimer un peu plus chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, je ne peux rien faire. Il refuse de me partager sa douleur.
Je ne peux rien faire...

Alors je le serre un peu plus fort dans mes bras et ne le lâche seulement lorsque le bus s'arrête devant nous.
Je salue le chauffeur et aide Harry à monter dans le véhicule. Le conducteur me fait un sourire encourageant, que je tente de lui rendre.

Ici, à Holmes Chapel, tout le monde connaît Harry. Ils l'ont tous vu grandir. Ils sont tous déjà allés acheter du pain dans la boulangerie où il travaillait. Et chaque dimanche, ils prient tous pour lui, à l'église ; pour qu'il puisse guérir et vivre sa vie, en profiter, de pouvoir continuer de lui sourire et d'être le petit garçon tumultueux qu'il était, malgré tout, quand il était jeune.

Je m'assieds à côté de lui dans le bus et cette fois, c'est moi qui pose ma tête sur son épaule. Il me regarde avec un de ses sourires qui me font chavirer, qui font pétiller ses yeux, qui illuminent son visage, qui éclairent mon univers...

Il est tellement beau...

Le bus s'arrête un peu plus loin que l'arrêt habituel... un peu plus proche de chez Harry.

C'est devenu une habitude chez le conducteur.
Dès que Harry prend le bus, ce dernier s'arrête un peu plus proche de chez lui, pour éviter de prolonger son effort.

Ce n'est pas particulièrement nécessaire, mais je ne remercierai jamais assez le chauffeur d'avoir cette attention.

C'est comme ça dans ce bourg, tout le monde aime tout le monde, tout le monde aide tout le monde.

J'ouvre la porte de l'appartement de Harry et m'étale sur le canapé. Harry rigole et me lance un coussin dans la figure. Je me ressaisis et le lui renvoie en m'avançant vers lui. Il me défie du regard.

Mauvaise idée Hazza...

Je récupère un coussin sur le canapé et le lui jette à la figure en le chatouillant. Il rigole à gorge déployée, ce qui me fait également rire.

Je continue à le torturer. Puis, j'alterne chatouilles et bisous volés.

Je finis sur ses genoux, sa bouche collée contre la mienne. Je soupire d'aise en même temps que lui, mais nous devons bientôt nous séparer car il commence à manquer d'air et à tousser.

Je me lève de ses genoux en lui pinçant les joues et me dirige vers la cuisine.

Je m'apprête à sortir les pâtes de l'eau, seul repas que je suis capable de faire sans mon incroyable compagnon, quand deux bras m'entourent la taille. J'éteins la plaque de cuisson et me laisse aller contre le corps de mon Hazza. J'observe les bulles d'eau éclater en me laissant un peu plus aller en arrière. Harry vient poser sa tête sur mon épaule et refuse de bouger quand je lui donne un petit coup dans les côtes pour qu'il me laisse me déplacer à mon aise dans sa cuisine.

Ce n'est pas grave, je bouge quand même, avec une masse qui s'accroche à mon dos.

   - Quel gamin ! je m'exclame, alors que lui rit à gorge déployée.

Je prends deux assiettes dans l'armoire, des couverts, des verres et vais mettre la table, en tirant Harry, qui refuse catégoriquement de lever ses pieds pour marcher.
Tel est l'enfant que j'aime...

Je le fais s'asseoir un riant. Il m'exaspère ! Il m'obéit quand même, pour une fois et pose enfin ses fesses sur la chaise. Je vais chercher ses médicaments et les lui donne.

Je l'observe les avaler. Je n'aime pas le voir faire ça. J'ai l'impression qu'il se drogue. Mais il n'y a pas le choix, c'est pour son bien...  Et je sais qu'il déteste les prendre...

Après avoir fait une énième grimace en avalant ses médicaments, il nous sert une bonne assiette de pâtes.

   - Tu restes à la maison ce soir, Lou' ?

   - Seulement si je peux dormir à gauche.

   - Non, tu dormiras à droite et ce sera moi la petite cuillère.

   - Alors je rentre chez moi... Et Hazz', c'est la millième fois que je te dis que quand on mesure un mètre huitante-trois, on ne peut pas être une petite cuillère...dans les deux sens, on sera toujours la grande cuillère.

   - Bah c'est clair qu'à côté de toi, je fait grand... Tu ne restes pas alors !? 

Le regard désemparé qu'il me lance me fait rire, malgré sa pique.

Je sais très bien comment ça va se passer.
Il va me poser trois cent fois la question en me faisant son regard de biche et je craquerai. Je dormirai à droite en le tenant dans mes bras...

Je suis faible, mais si c'est pour lui, ce n'est pas grave, je l'assume pleinement.

BreatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant