~38~

1.1K 111 43
                                    

Le coeur plus lourd que jamais, Thomas se laisse glisser le long de la planche jusqu'à toucher l'eau froide. La douleur que lui procure l'eau n'est rien comparée à celle qui maltraite son esprit depuis tout à l'heure.
Son gilet de sauvetage lui permet de flotter et c'est tant bien que mal qu'il essaye de nager vers le transat qu'il aperçoit. Son corps gelé l'empêche d'être cohérent dans ses mouvements et les larmes qui lui brouillent la vue l'empêche de voir où il va. De l'eau rentre à grande goulée dans sa bouche, eau qu'il recrache avec de grands bruits de succion et de claquement de dents.
Avec grande peine, il s'accroche au bout de bois et regarde l'officier en face de lui. Mort aussi.

Ils se tiennent au même endroit, dans la même position, à la différence que l'un d'eux a le coeur qui bat encore. Et que l'officier a un sifflet dans la bouche.
Le cerveau engourdie, Thomas met quelques secondes à comprendre que ce sifflet est sa porte de sortie. Il n'a peut être plus de voix, mais il a encore du souffle. Il prend l'objet de la bouche de l'officier et souffle dedans, provoquant un faible son aigu.
Il continu à souffler dedans, de plus en plus fort, jusqu'au moment où il voit avec soulagement un officier du canot tourner la tête et alerter ses compagnons.

Un faisceau de lumière illumine faiblement son visage alors que les officiers se rapprochent. Le faisceau grandit et grossit, avant d'obliger Thomas à fermer les yeux sous la puissance de la lumière.

Et tout se passe très vite, sans que Thomas ne s'en rende compte. Les officiers le porte et l'enroule dans une couverture, lui disant des choses incompréhensible dont Thomas n'a pas la moindre idée. Il s'allonge simplement, les yeux rivés sur les étoiles.
L'une d'elle a l'air de lui faire un clin d'oeil et il sait que c'est Newt. Car Newt est une étoile. Un univers à lui tout seul. Une constellation
qui faisait profiter Thomas de son éclat. Un astre qui ne cessera jamais de briller dans le coeur du brun.
Il repense à toutes la paroles qu'ils ont pu se dire. Comme ce jour où Newt lui avait promis de l'emmener en Amérique faire du manège jusqu'à en vomir. Ou celui où Newt l'avait dessiné, dans la petite suite du brun. Ou encore celui où ils s'étaient embrassés pour la première fois.

C'est ainsi que Thomas s'endormit, bercé par la voix de Newt qui lui murmurait des mots d'amour et les mouvements du canot sur l'océan.

_oOo_

Le soleil léchait doucement le visage de Thomas, rendant sa peau blanche encore plus diaphane. Il ouvrit doucement les yeux, sentant ses membres engourdis bouger faiblement. La couverture était remontée jusqu'à son nez, laissant ses yeux à l'air libre. Ses prunelles caramel se tournent vers sa gauche, lui permettant de voir un bateau plus petit que le Titanic mais qui n'avait pas à envier sa taille.

Le Carpathia.

Leur sauveur si je puis dire. Les autres canots du titanic étaient là aussi et leurs passagers étaient évacués dans le calme.
Et comme au moment où Thomas fut sortit de l'eau et allongé dans le canot de sauvetage, tout se passa très vite.
Il fut évacué de son canot et les naufragés furent de nouveau distribués par classe.
Thomas n'hésite pas une seconde à aller en troisième classe, ses pas le guidant sans s'en rendre compte. Des familles pleuraient en se serrant dans les bras, d'autres demandaient aux officiers de vérifier sur la liste si un membre de leur famille était sur le bateau.

C'est ce que faisait Teresa. Elle cherchait quelqu'un, désespérément. Les cheveux plus en bataille que jamais, elle descend doucement les escaliers pour rejoindre le pont où sont les naufragés de troisième classe.
Un officier la vit et s'approcha d'elle.

- Mademoiselle, ça m'étonnerais qu'un membre de votre famille soit ici, ce sont les troisièmes-

Mais Teresa partait déjà, balayant la remarque de l'officier d'un geste de main. Elle continue de passer au milieu des naufragés, tournant la tête de tout côtés pour essayer d'apercevoir quelqu'un.
D'apercevoir Thomas.
Ce dernier est enroulé dans un plaid, la couverture se rabattant sur ses cheveux secs et abîmés. Il a les yeux cernés et bouffis, le tein maladif et une pince en fer qui sert son coeur.

Teresa passe à côté de lui sans le voir alors qu'il se tasse un peu plus sur lui-même, souhaitant la voir disparaître le plus vite possible. Pour ne plus jamais recroiser son chemin.

_oOo_

Thomas lève les yeux vers la statue de la liberté. Ils sont à New York. La nuit vient de tomber, recouvrant le ciel d'un drap noir. Une pluie fine tombe en torrent sur les naufragés. Mais Thomas n'y fait même pas attention. Il a connu de l'eau bien pire.
Durant toute la journée, il est resté assit, à regarder les passagers passer devant lui. À chaque naufragé blond, les poils de Thomas se hérissaient. Il espérait naïvement que ce soit Newt. Il voulait le voir, il avait besoin de sa présence.
Mais il doit se rendre à l'évidence. Son amant est bel et bien parti. Et pour toujours.

Les cheveux trempés par la pluie, Thomas est accoudé sur le rebord du bateau, une larme roulant doucement sur sa joue. Un officier s'approche de lui sans faire de bruit, un papier et un crayon dans la main.

- Puis-je avoir votre nom monsieur ?

Thomas met quelques secondes à tourner la tête vers lui. S'il donne son vrai nom, Teresa pourra facilement le retrouver. Et sa vie reprendra son court normal. Sauf que Thomas ne veut pas d'une vie normale. Il ne veut pas oublier ce qu'il a vécut sur le bateau. Il ne veut pas oublier Newt. Il ne peut pas faire comme si tout ça n'avait jamais existé. Il veut reprendre de zéro et repartir avec le souvenir de son blond.

- Dawson, dit-il en regardant de nouveau le ciel. Thomas Dawson.

L'officier le remercie et le note sur son papier. Mais Thomas ne répond pas. Car Thomas préfère se perdre dans les étoiles naissantes. Il est sûr que Newt sourit de là où il est et que s'il était à ses côtés, il lui prendrait la main en lui soufflant "C'est un bien joli nom monsieur Dawson, où l'avez-vous trouvé ?".
Alors Thomas s'autorise à sourire. Des larmes dégringolent ses joues, mais il sourit. Il sourit car il est sûr que Newt sourit.
Il ne l'oubliera jamais et ne compte pas l'oublier. C'est lui qui lui a fait connaître l'amour, le vrai, le véritable. C'est grâce à lui qu'il se sent vivant,  qu'il sait qu'on peut le voir et que s'il se met à hurler, quelqu'un l'entendra.
C'est l'amour véritable, le grand et l'unique.

Et il aura eu la chance de le ressentir une fois dans sa vie.

Titanic {Newtmas}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant