Chapitre 6

56 10 5
                                    

- Ash, t'en pense quoi?

Nolan me tend le portable d'Ahmed. La même blonde décolorée en sous-vêtements dans une position suggestive. Elle est franchement moche, trop de seins, du ventre, de la cellulite. Sans parler des tatouages de pouf et des percings de cagole. J'hésite à dire à Ahmed qu'avec une meuf comme ça, il a toutes ses chance pour la médaille du plus beau bovin au prochain salon de l'agriculture.

- Arrête, elle est bandante.

Et Ahmed qui ne réagit pas. Ce genre de photos de Marina, j'en ai pas, mais si j'en avais, jamais mes potes ne les verraient. Et le premier qui met "Marina" et "bandante" dans la même phrase, je l'éclate.

Je suis sortis du métro et j'ai remonté la rue. J'aime bien le quartier de Marina. Il était vingt heures, les magasins étaient en train de fermer, et moi, je montais chez Marina.

Elle m'a donné les clés il y a six ans. Après que j'ai frappé Simon, la première fois, j'ai passé l'été chez Marina. J'avais dit à ma mère que j'étais chez un pote, que j'avais besoin de me calmer. Simon était pas d'accord, pour lui je devais rentrer, mais c'est la seule fois où ma mère ne l'a pas écouté.

Je suis entré chez Marina. Tout était calme, sa mère devait déjà dormir. De toute façon, avec tous les médocs qu'elle prend, elle ne sort pas de sa chambre et je ne l'ai jamais vue.

Je sais très bien où était Marina à cette heure-là.

Elle a interrompu son geste quand j'ai ouvert la porte de la salle de bain. Marina sortait de la douche. Les cheveux et le corps enroulés dans deux serviettes roses, elle se mettait de la crème sur le visage.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Ah oui, Marina m'avais dit ce matin que je devais rentrer chez moi, j'avais complétement zappé.

Je l'ai embrassée. Le simple contact de ses lèvres contre les miennes m'a donné envie d'elle. C'est comme ça à chaque fois que je vais au lycée, quand je passe la journee entière le cul posé sur une chaise sans pouvoir me dépenser.

- Asher, rentre chez toi et excuse toi auprès de Simon.

J'ai soupire, j'avais aucune envie de rentrer chez moi. C'est même pas chez moi d'ailleurs. C'est chez Simon. Chez moi, je voudrais que ça soit chez Marina.

- Je peux pas dormir avec toi?

J'en avait tellement envie mais Marina a secoué négativement la tête.

- Pas deux soirs de suite.

Cette règle, Marina l'a instaurée après que j'ai passé trois mois chez elle, quand on avait quatorze ans. Ça me fait chier mais je sais que c'est pour donner un semblant de normalité à notre situation qui est loin de l'être.

- Appelle Simon et dis lui que tu rentres à vingt-deux heures.

Je soupire. Je vais manger avec elle et après je vais devoir retourner chez Simon, je ne vais sûrement pas dormir de la nuit. Si seulement j'avais pensé à taxer du shit à Nolan.

- Et évidemment tu t'excuse.

J'ai avale ma salive, Marina avait finit de se mettre de la crème. Elle m'a regardé et j'ai su que j'avais pas le choix.

- Et je lui dit quoi ?

C'est tout juste si Marina ne pouffait pas de ma question.

- Bonjour Simon, je suis désolé de t'avoir frappé. Je rentre à vingt-deux heures. Bon appétit et à tout à l'heure.

Cette fois, c'est moi qui me suis marré. Dire ça à Simon, et puis quoi encore ?

- Vas-y, me lance Marina.

J'ai sorti mon portable de ma poche avec autant d'entrain qu'un condamné à mort s'avance vers l'échafaud. Enfin j'imagine, parce que quand je suis né, Badinter avait déjà abrogé la peine de mort depuis des années. Une belle connerie, selon Marina.

Simon a décroché au bout de deux sonneries.

- Allô ?

- Simon...

- Asher ? Tout va bien ?

Marina m'a encouragé du regard. Moi, j'avais juste envie de raccrocher.

- Je rentre à vingt deux heures...

- D'accord...

Cette conversation était ridicule. Simon a dû se demander ce que j'avais fumé, je ne l'appelle jamais. Là, je ressemblais à Quentin quand il doit annoncé à son père qu'on a traîné à la plage et qu'il va rentrer en retard. Marina m'a regardé, elle me chuchottait ce que je devais dire mais j'en avais aucune envie.

- Simon...

- Oui ?

J'allais pas y arriver mais Marina a insisté.

- Je suis désolé de...

- De quoi ? s'est exclamé Simon, qu'est-ce que t'as fait ? T'es où Asher ?

- Tu me fais chier.

Et j'ai raccroché. C'etait sorti tout seul, mais Marina était furieuse.

- Tu sais ce qui va se passer si Simon porte plaine ?

Marina flippe à cause de ça, mais moi je sais bien qu'il ne portera jamais plainte contre moi. Que tout le monde apprenne qu'il se fait victimiser par le bâtard de fils de sa femme, ça serait la plus grosse larshouma de sa vie, releguant mon renvoie de Yavné à la seconde place et celui de Thiers à la troisième du grand classement des plus grosses hontes de la vie de Simon, et dieu sait qu'elles sont nombreuses et que j'y suis souvent pour quelque chose.

Après que je me sois fait viré de Yavné, j'ai passé deux ans au collège public à côté de chez nous, mais comme pour Simon il était hors de question que je m'aventure dans cette jungle qu'était, à ses yeux, le lycée de notre secteur, il a fait jouer son réseaux pour m'avoir une place à Thiers. Le bon  lycée des gens fréquentables après Yavné, selon le Simon's guide des établissements scolaires de Marseille. Il pensait que là-bas j'allais être cadré. J'y suis resté deux mois, après ça ils ont fait savoir à Simon que ma présence n'était plus souhaitée. J'ai donc terminé dans le seul lycée Marseille qui a bien voulu de moi après lecture de mon dossier scolaire. Simon pensait que le lycée de notre quartier c'était la jungle de Calais, en fait à côté du mien c'est le parc Longchamps, c'est tout mignon et il y a des gardiens pour vérifier que l'on ne marche pas sur les pelouses.

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant